Les périodes ensoleillées qui s’écourtent un peu plus chaque jour annonce pour Myzus et Tétra le début de la trêve hivernale. À l’instar des arbres, nos deux protagonistes commencent eux aussi à subir des changements physiologiques qui les prépareront à la longue saison froide. Dans cet épisode, on vous parle d’abord des consœurs de Tétra.
Les consœurs de Tétra en prennent plein les yeux ou comment et pourquoi les femelles tétraniques changent de couleur ?
Un peu de physique, et d’anatomie…
Vous le savez, la lumière du soleil constitue un spectre de différentes ondes comme le révèle le phénomène naturel des arcs-en-ciel. Tétra, comme tou.te.s ses congénères, possède non pas une mais deux paires d’yeux. Ces deux paires d’yeux possèdent des molécules dites « photoréceptrices » permettant de percevoir différentes ondes du spectre de la lumière ainsi que la durée d’ensoleillement journalier (également appelée photopériode)°.
Les jours courts constituent le signal qui déclenche le processus de diapause dit aussi d’hivernation.
Chez le tétranique tisserand, seules les femelles dites matures hivernent. Les autres, nymphes et mâles meurent.
Qu’est-ce que l’hiVernation ou diapause ?
L’hivernation est une stratégie adaptative dont le but est de synchroniser l’organisme et donc préparer les individus aux conditions environnementales. Dans le cas de la diapause d’hiver (car il existe aussi une diapause d’été, avec des changements physiologiques différents), elle prépare notamment au :
- froid
- manque de nourriture
- peu ou pas de soleil
La diapause permet de survivre.
La diapause induit un certain nombre de changements dans le comportement et la morphologie des individus ainsi que le fonctionnement interne des organismes qui la subissent*.
Un changement majeur dans le fonctionnement interne de la femelle T. urticae qui entre en diapause est la pigmentation. En hiver, la femelle tétranique tisserand est de couleur rouge-orangé.
On a découvert récemment que le tétranique tisserand (comme le puceron) font partie des très rares espèces animales capables de synthétiser leurs propres caroténoïde**. Ces molécules devant être apportées par l’alimentation pour les autres membres du règne animal.
Quel est le lien entre la couleur des femelles, les jours courts et le froid de l’hiver ?
Les femelles tétraniques possèdent des gènes codant la synthèse d’enzymes qui permettent de produire des molécules pigments orangées de vitamine A à partir de provitamine A. La provitamine A intervient dans la perception de la lumière°.
Mais ce n’est pas tout, à partir de vitamine A appelé aussi béta-carotène, il est possible de produire des kéto-caroténoïdes comme l’astaxanthine qui sont des cryoprotectants, soit des molécules protectrices contre le gel.
En résumé
Dans l’organisme de la femelle tétranique tisserand, ayant capté de son regard le signal des jours courts, est induit une production importante de caroténoïdes qui la protégeront contre le gel et les UV notamment. De rouge et orange vêtue, la femelle ira alors trouver un coin tranquille sous les feuilles qui jonchent le sol ou entre l’écorce d’un arbre et son tronc, dans l’attente du retour des jours longs qui sonneront le glas de son état hivernant.
Le saviez-vous ?
Les caroténoïdes forment une famille de molécules qui sont également présentes chez les plantes.
Découvrez en plus en lisant le premier épisode de la saison 2.
Références
° Bryon A, Kurlovs AH, Dermauw W, et al. (2017) Disruption of a horizontally transferred phytoene desaturase abolishes carotenoid accumulation and diapause in Tetranychus urticae. PNAS 114(29), E5871-E5880
* Goto SG (2016) Physiological and molecular mechanisms underlying photoperiodism in the spider mite: Comparisons with insects. J Comp Physiol B 186:969–984.
** Fukatsu, T (2010) Evolution. A fungal past to insect color. Science 328, 574–575
** Moran NA, Jarvik T (2010) Lateral transfer of genes from fungi underlies carotenoid production in aphids. Science 328:624–627.
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