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L’égalitarisme finlandais et les pots-de-vin

J'ai passé une semaine en Finlande à étudier l'éducation et la mondialisation. J'avais envie de visiter le havre nordique, connu pour ses pratiques éducatives progressistes et la maison officielle du pôle Nord, entre autres choses. Mais la Finlande est-elle à la hauteur du battage médiatique ? Et puisque l'égalité des sexes est mon domaine d'étude/obsession, comment se débrouille-t-elle avec ce sujet dans les écoles ? J'ai exploré la ville d'Oulu pour quelques réponses où j'ai pu aussi apprécier le paysage de neige paradisiaque.

Les activités de la ville côtière d’Oulu tournent principalement autour de l’anse, d’un vieux moulin à papier et des universités (ainsi que du hockey bien sûr). La plage gelée s’étend jusqu’à la mer Baltique et les températures dépassent rarement zéro pendant la moitié de l’année. L’Université d’Oulu a invité un groupe du CRI à participer à un atelier de trois jours.

Les participant.e.s avaient des questions pré-catégorisées à discuter lors de l’inscription. Le premier jour, des mots comme « glocal », « tendances de l’éducation » et « l’avenir de l’IA » ont été projetés dans nos groupes interdisciplinaires. Mon groupe comprenait un graphiste, un mathématicien et un professeur de physique. Notre sujet s’intitulait « la prise de décision deviendra la résolution de problèmes ».

 

Ce sujet a déclenché des recherches et des discussions sur la façon dont les gens devraient s’entraîner à discuter davantage ensemble de sujets sensibles afin de minimiser leurs réactions et d’éviter de percevoir la rétroaction comme des attaques personnelles – ainsi que sur la façon d’écouter vraiment. De plus, nous avons examiné ce que signifie vérifier les faits et lire l’information de façon critique. Nous avons élaboré un plan d’action pour permettre aux gens d’utiliser l’information à portée de main d’une manière utile et de promouvoir un discours productif. J’ai appris que de nos jours, discuter avec empathie et faire des choix éclairés sont considérés comme des compétences impératives dont tout le monde a besoin, peu importe les antécédents. Les fausses nouvelles (“fake news”) et les conversations virulentes sont maintenant une expérience collective mondiale sur laquelle nous devons tou.te.s travailler.

 

Après la conférence, nous avons visité quelques écoles publiques et avons eu l’occasion d’interviewer des enseignant.e.s et des administrateur.rice.s. Ce qui m’a frappé, c’est la façon dont les salles de classe sont reliées. Le partage des enseignant.e.s est obligatoire, ou du moins fortement encouragé (des murs entre les salles de classe peuvent être rabattus pour créer des espaces géants de co-apprentissage pour mélanger les matières). De plus, les espaces de travail sont tous fonctionnels, amusants et esthétiques (imaginez de belles plantes, des tas de lumière naturelle et des zones pleines de grands meubles). Ces aspects, combinés à la nécessité d’une confiance totale dans la prise de décision des enseignant.e.s, créent une formule assez intéressante pour la réussite éducative.

 

Il est intéressant de noter que les parents, les décideurs et l’administration de ce pays historiquement égalitaire s’entendent tou.te.s pour investir dans une éducation égale, faire confiance aux compétences décisionnelles des enseignant.e.s et ne pas politiser le sujet. Il est également important de noter que la Finlande a l’habitude de mettre à jour son programme national tous les dix ans environ et de mettre en œuvre des enseignements des TIC – Technologies de l’Information et de la Communication – efficaces dans les écoles publiques.

 

L’idée que l’éducation Finlandaise se distingue de la plupart des sociétés est vraie, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas apprendre d’elle. Les Finlandais.es investissent dans la formation des enseignant.e.s, la conception de l’éducation et l’autonomie du système éducatif – et c’est payant. Même si ces dernières années, le système éducatif finlandais s’est quelque peu effondré dans le classement PISA, et que certain.e.s blâment l’économie et les changements de financement dans le système, il y a des moyens de contourner les obstacles économiques dans la liberté donnée par le système…

 

 

Il semble que le fait de ne pas avoir peur de prendre des risques et de travailler avec les entreprises de la communauté est également un facteur de réussite des écoles. Un directeur a expliqué qu’il gagne un revenu supplémentaire pour l’école en louant des parties des immenses arènes sportives et qu’il cherche toujours des moyens de maximiser les revenus de l’école. Dans l’école de formation, ils achètent des produits scolaires à une fraction du prix auprès d’entreprises en développement et de startups travaillant dans le secteur de l’éducation. Une salle de classe que nous avons visitée utilisait même un nouvel échantillon d’éclairage au plafond qui changeait de couleur et de motif pour créer des ambiances différentes pour les élève.

 

J’ai demandé aux administrateur.trice.s pourquoi la Finlande a la réputation d’être plus progressiste en matière d’égalité des sexes qu’elle ne l’est en réalité. J’ai lu un article d’Elina Lahelma de 2006 sur l’égalité supposée par rapport à la réalité avant d’arriver en Finlande. Bien que l’article date d’il y a 12 ans, les questions de genre dans l’éducation restent un problème en Finlande, la majorité des enseignant.e.s du primaire et du secondaire étant encore des femmes, alors que les administrateur.rice.s de haut niveau sont presque tous des hommes. Comme on le voit dans d’autres pays occidentaux, les garçons finlandais sont à la traîne à l’école, ce qui pourrait être lié au manque de modèles masculins en tant qu’enseignants. Un directeur d’école a admis que ses enseignant.e.s doivent employer de plus en plus de méthodes créatives pour capter l’intérêt des garçons en classe.

 

Le fait est que certaines informations données ne font pas vraiment la promotion de l’égalité. Par exemple, l’exposition sur X & Y au centre scientifique local comporte des informations franchement archaïques. Dans l’exposition « View Angle », une exhibition épouvantable et ridicule, il a été noté que « Il est difficile pour les hommes de comprendre comment une femme peut remarquer un morceau de déchets sur le sol en regardant simultanément la télévision et en ayant une conversation avec d’autres personnes mais frappe néanmoins un poteau de clôture en conduisant en marche arrière sur une place de parking. La perception spatiale d’un homme moyen est quatre fois meilleure que celle d’une femme moyenne, et ceci est basé sur la capacité à percevoir les détails avec plus de précision ». De telles généralisations sexistes ont été faites tout au long de l’exposition sur le genre et, plus inquiétant encore, au nom de la « science ».

 

Photo de Ania Khazina

 

Ce que j’ai appris, c’est que même un pays aussi progressiste sur le plan de l’éducation que la Finlande a encore des domaines sur lesquels il faut travailler. Mais j’ai vu que les Finlandais.es sont ouvert.e.s à la critique et admettent qu’il y a des choses qu’elles.ils pourraient améliorer. La Finlande continue d’être cheffe de file dans le domaine de l’éducation parce que la société s’engage à travailler vers des objectifs progressistes. Elle voit la force de l’apprentissage collectif et des écoles publiques (l’éclatement des élèves en écoles privées est presque inconnu). L’égalitarisme n’est pas un rêve, mais un idéal en Finlande.

 

Kelly est étudiante en Master EdTech au Centre de Recherches Interdisciplinaires de Paris. Vous pouvez en savoir plus sur son projet de réalité virtuelle, Unnatural History ici.

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