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À la rencontre de...

WAX part à la rencontre d'une personnalité, du passé, du présent, et du futur aussi.

Entrevue avec Anahi Molla-Herman

Depuis une brève rencontre lors d’une journée d’orientation lycéenne en janvier 2018, j’ai l’envie de vous présenter Anahi Molla-Herman, d’en savoir un peu plus sur son parcours d’étudiante puis de chercheuse reconnue en biologie, de connaitre et transmettre ses points de vue sur la science et la recherche. Je retrouve donc Anahi, cette fois accompagnée de ses deux enfants Léon et Chloé, quelques temps plus tard à l’éclosion frileuse du printemps, dans un café du quartier de la gare du Nord à Paris.

Image à la une :

  •  à gauche : Ovariole de drosophile vu au microscope confocal avec le futur œuf en rouge
  •  au milieu : Anahi et son idole Marie Curie
  •  à droite : Édith Heard à l’Institut Curie

Parcours scientifique

Depuis toute jeune, Anahi pose des questions tout le temps, très curieuse de tout en permanence. Elle aime apprendre et faire des dessins, son papa biologiste alimentant et enrichissant cette ouverture au monde.

En classe de terminale, Anahi aime l’histoire, la géologie et les sciences de la vie. Elle a une fascination particulière pour la biologie et le côté ludique de l’histoire lui plaît beaucoup. Côté orientation, elle aurait bien envie de suivre des études de médecine. Elle deviendrait bien médecin mais elle se freine et ne s’autorise pas cette voie pensant ne pas avoir les épaules, préférant choisir des études de biologie à l’Université Autonome de Madrid, en Espagne.

À l’université, sa découverte, sa compréhension de la biologie, de l’échelle moléculaire, cellulaire jusqu’à la physiologie continue de la conforter dans ses apprentissages. Elle suit un master de biologie cellulaire pendant lequel elle effectue un stage qui sera le premier tournant de sa carrière dans le monde de la recherche scientifique. Beaucoup d’autonomie, toujours autant de curiosité… et Anahi a su transformer son sujet de stage en projet de thèse à l’Institut Cochin de Paris.

Pendant ce temps là ça bosse l’écriture 😉

Le cil primaire, ça vous parle ?

En gros, le cil primaire est une antenne à la surface de nos cellules, une extension cytoplasmique mécano-sensorielle, qui réceptionne de nombreux messages chimiques et permet la transmission de ces informations au sein de la cellule. On dit qu’il est primaire parce qu’il est immobile, et pendant de très longues années on a cru qu’il n’avait aucune fonction, mais depuis peu on sait que son mauvais fonctionnement et/ou formation provoque de nombreuses pathologies humaines. Pendant trois ans, Anahi a analysé le trafic intracellulaire lié à la formation de ce cil primaire, on parle de ciliogénèse. En décelant les voies de signalisation, les réactions entre molécules qui œuvrent à la formation de cet ornement indispensable à la cellule, on aide également à comprendre comment cela autorise la cellule à bien s’intégrer dans son tissu et/ou son organe, son environnement plein de copines cellules.

Après la thèse, il lui manquait un nouveau défi, une nouvelle dimension biologique à explorer, celle de la génétique et du développement, qu’elle appréhendait par sa complexité. Pendant son post-doctorat à l’Institut Curie, sa naïveté couplée à sa rigueur font mouche (à entendre comme gaîté face à la découverte et un œil nouveau suite à un changement total de sujet et d’organisme modèle). Des études fructueuses chez la Drosophile lui ont permis de découvrir une voie inattendue de défense de l’intégrité du génome, ce qui a fait valoir à Anahi en 2015 le prix L’Oréal – UNESCO Pour les femmes et la science, juste après la naissance de Chloé !

 

De gauche à droite : Bruce Alberts / cellule de mammifère avec son cil primaire en microscope électronique / Scott F. Gilbert

Une femme dans la recherche

Après un post-doctorat, plusieurs possibilités s’ouvrent à nous. On peut choisir de devenir maître de conférences ou alors concourir pour être chercheur.euse à plein temps. Ayant apprécié enseigner, notamment au travers du monitorat, Anahi se projette au départ comme conférencière. Mais c’est aussi parce qu’elle s’interroge sur sa capacité à décrocher sa place de chercheuse car c’est extrêmement compétitif. Avez-vous déjà entendu parler du syndrome de l’imposteur ? Ce sont, entre autres, de riches échanges avec Edith Heard du Collège de France qui l’ont finalement motivée à réaliser, à assumer sa carrure de chercheuse. À sa grande surprise, pour son plus grand plaisir, elle a été reçue au concours dès la première tentative.

Au final, pourquoi la recherche ? Comment as-tu choisi ta discipline ?    – C’est ma fascination pour la cellule.

Deux qualités utiles à ton métier ?    – Curieuse & travailleuse

Deux défauts utiles à ton métier ?    – Perfectionniste & sceptique

Est-ce qu’on peut tou.te.s devenir scientifique ?

“Oui, mais c’est vrai que ça dépend des capacités d’extériorisation. On rencontre des difficultés pour le réaliser et se forger, pour assumer notre côté scientifique. Tout le monde peut faire de la science de façon très différente. On n’est pas toutes et tous scientifiques de la même manière. On peut prendre l’analogie de l’athlétisme, ce ne sont pas les mêmes compétences pour une lanceuse de poids et à une coureuse de fond. Et il y a bien d’autres épreuves.”

Une science ludique et sans stéréotype, ça t’inspire quoi ?

“Une science où l’on s’amuse, on expérimente, on apprend en se trompant, en testant. Sans stéréotypes ? Une science pour tout le monde.”

As-tu déjà fait face au sexisme ou aux stéréotypes au travail ?

“En tant que femme dans un environnement scientifique très masculin, il faut dire des choses obligatoirement pertinentes et intelligentes pour faire ses preuves et se faire accepter ensuite. C’est souvent des situations liées à la prise de parole qui reviennent…”

“Et puis, il y a les petits commentaires désobligeants, du genre – vous avez eu le prix grâce à vos beaux cheveux ! Dans ces discussions, on devrait se sentir à l’aise, savoir que son intimité et sa vie privée seront respectées. Mais certains font seulement preuve de désobligeance, d’abus de familiarité, voire même d’autorité, avec des initiatives corporelles limites.”

“Le sexisme est un phénomène de société qui impacte chacun et chacune dans sa confiance en soi. L’auto-censure est un bagage individuel que l’on supporte quotidiennement.”

Et pour une bonne conciliation entre travail et vie privée ?

“Pour moi, un partenaire en qui avoir confiance qui croit en moi. Il faut aussi savoir se répartir de façon égalitaire les tâches ménagères et de maison. Pas forcément faire les mêmes choses mais discuter et se les répartir. On a besoin de temps et de disponibilité pour réfléchir en recherche. Un cadre horaire plus ou moins fixe m’est indispensable, autant que certaines règles. S’entourer de bons collègues qui nous soutiennent au quotidien c’est aussi crucial.”

Des questions à se poser à l’adolescence ?!

“Quand on est jeune, il est indispensable d’avoir des rôles modèles. Si on est pas sûre de soi, il faut se demander, est-ce qu’il y a des femmes cheffes ? Oui, donc je le peux aussi !”

“Qu’est-ce que je voudrais faire si je n’avais peur de rien ? Il faut identifier ses peurs. Peut-être que je serai médecin si je m’étais posé cette question plus tôt.”

 


 

Liens vers le profil LinkedIn d’Anahi, le résumé de sa thèse, et la liste de ses publications :

 

Ghossoub R, Lindbæk L, Molla-Herman A, Schmitt A, Christensen ST, Benmerah A.

Methods Mol Biol. 2016;1454:35-51. doi: 10.1007/978-1-4939-3789-9_3.

Molla-Herman A, Vallés AM, Ganem-Elbaz C, Antoniewski C, Huynh JR.

EMBO J. 2015 Dec 14;34(24):3009-27. doi: 10.15252/embj.201591006. Epub 2015 Oct 15.

Jagut M, Mihaila-Bodart L, Molla-Herman A, Alin MF, Lepesant JA, Huynh JR.

G3 (Bethesda). 2013 Mar;3(3):409-25. doi: 10.1534/g3.112.004747. Epub 2013 Mar 1.

Ghossoub R, Molla-Herman A, Bastin P, Benmerah A.

Biol Cell. 2011 Mar;103(3):131-44. doi: 10.1042/BC20100128. Review.

Kaplan OI, Molla-Herman A, Cevik S, Ghossoub R, Kida K, Kimura Y, Jenkins P, Martens JR, Setou M, Benmerah A, Blacque OE.

J Cell Sci. 2010 Nov 15;123(Pt 22):3966-77. doi: 10.1242/jcs.073908. Epub 2010 Oct 27.

Molla-Herman A, Ghossoub R, Blisnick T, Meunier A, Serres C, Silbermann F, Emmerson C, Romeo K, Bourdoncle P, Schmitt A, Saunier S, Spassky N, Bastin P, Benmerah A.

J Cell Sci. 2010 May 15;123(Pt 10):1785-95. doi: 10.1242/jcs.059519. Epub 2010 Apr 27

Molla-Herman A, Boularan C, Ghossoub R, Scott MG, Burtey A, Zarka M, Saunier S, Concordet JP, Marullo S, Benmerah A.

PLoS One. 2008;3(11):e3728. doi: 10.1371/journal.pone.0003728. Epub 2008 Nov 14.

Borck G, Mollà-Herman A, Boddaert N, Encha-Razavi F, Philippe A, Robel L, Desguerre I, Brunelle F, Benmerah A, Munnich A, Colleaux L.

Hum Mutat. 2008 Jul;29(7):966-74. doi: 10.1002/humu.20531.

Montagnac G, Mollà-Herman A, Bouchet J, Yu LC, Conrad DH, Perdue MH, Benmerah A.

J Immunol. 2005 May 1;174(9):5562-72.

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