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PSYCHAUTOMATE : Ces décisions qui ne nous appartiennent pas (2)

Les comportements que nous adoptons et les actions qui en découlent semblent le plus souvent sous le contrôle de notre conscience. Mais c’est sous-estimer l’impact immense qu’a l’environnement sur la prise de décision.

Partie 2 : Le conformisme et l’innovation

Conformisme ou influence majoritaire

L’histoire et notre vie quotidienne en sont témoins, nous avons tendance à nous conformer au comportement du plus grand nombre. Que ce soit à l’époque où il était « acceptable » de persécuter les minorités ou lorsque, pendant un dîner vous regardez votre voisin.e pour savoir quelle fourchette utiliser, il est clair que l’humain a tendance à s’aligner sur le comportement de la majorité.

En sciences sociales, nous pouvons définir l’influence majoritaire ou conformité comme étant la tendance à faire quelque chose uniquement parce que d’autres personnes le font.

En 1951, le psychologue Solomon Asch publie une expérience qui démontre l’existence de l’influence majoritaire. Plusieurs groupes de 7 à 9 individu.e.s, formés d’une majorité de complices ou acteur.rice.s et d’un sujet naïf (qui donne sa propre réponse, et non une réponse donnée par les expérimentateurs) ont été testés.

Les participant.e.s devaient comparer des lignes et dire, à voix haute, laquelle des trois lignes correspondait à la ligne « standard ». Un.e à un.e, les participant.e.s complices ont donné la même fausse réponse, le sujet faisant partie des derniers à donner sa réponse.

                                      Lignes de Asch

Alors que la réponse était évidente, le psychologue a trouvé que dans 75% des cas le sujet donnait une réponse fausse se conformant au reste du groupe.

C’est le doute à propos de sa réponse et la peur d’être exclu par le groupe qui va pousser l’individu.e à se conformer aux autres personnes. Autrement dit, c’est l’effet de l’influence majoritaire.

Ce type d’influence, dit “influence manifeste” se caractérise par un changement de réponse au niveau public, il préfère choisir celle-ci “au cas où” par validation sociale, mais le sujet reste intimement persuadé que cette réponse n’est pas la bonne. Cette contradiction entre les actions et pensées de l’individu va créer un état de tension interne appelé dissonance cognitive (nous verrons comment nous y remédions dans un prochain article).

Un moteur de l’innovation : l’influence minoritaire

L’influence majoritaire est connue mais il existe un autre type d’influence qui affecte la personne au plus profond d’elle-même. Alors que l’influence majoritaire n’affecte que le discours ou le comportement de l’influencé.e, l’influence minoritaire change l’opinion intime de la personne.

Les avancées et innovations sociétales mais aussi technologiques ne verraient pas le jour sans l’influence minoritaire.

C’est par exemple ce qui a permis au mouvement des suffragettes de changer les mentalités et obtenir le droit de vote pour les femmes en 1944 en France. C’est ainsi qu’un message constant permettra progressivement, au fil du temps, de faire changer les idéologies.

                                                             Suffragettes françaises

C’est grâce à plusieurs expériences datant de 1969 que le psychologue Moscovici a mis en évidence le pouvoir de l’influence minoritaire.

Dans la première expérience, il cherche à observer l’influence de la minorité sur le comportement du groupe. On demande à chaque individu.e de groupes de 6 personnes (composés de deux complices et de quatre vrai.e.s participant.e.s, cette fois-ci une minorité de complices donc) de regarder des diapositives avec différentes nuances de vert et bleu puis de dire la couleur de chaque diapositive à voix haute. Les complices devaient répondre vert pour chaque diapositive.

L’expérience a permis de démontrer que la minorité avait une influence sur le groupe. En comparant les résultats du groupe expérimental à un groupe témoin, uniquement constitué de vrai.e.s participant.e.s, on trouve une différence significative dans les taux d’erreurs. Le groupe témoin, qui en plus donnaient leurs réponses par écrit, avait un taux d’erreur de 0,25% contre 8,25% dans le groupe expérimental. Les vrai.e.s participant.e.s ont donc plus souvent répondu faux dans le groupe expérimental et donc, sous l’influence des deux complices qui donnaient des mauvaises réponses.

Cette première expérience a permis de mettre en lumière l’influence de la minorité sur le discours de la majorité mais aussi l’importance de la consistance du message.

Dans la seconde expérience de Moscovici, les mêmes participant.e.s, à la suite de la première expérience, ont encore été testés sur leur perception des couleurs bleues et vertes mais cette fois seul.e.s et non en groupe. On a trouvé que leur biais de perception s’était décalé vers le vert même après coup. Cette deuxième expérience permet de montrer que l’influence minoritaire ne change pas seulement le comportement des individu.e.s mais les décisions privées de ceux.celles-ci.

Cherchant à mettre en évidence de façon certaine le caractère privé de cette influence (dit “influence latente” par opposition à l’influence manifeste), Moscovici organise une troisième expérience. Celle-ci utilise la couleur consécutive, le nuage coloré qui apparaît quand on éteint un écran ou une source de lumière et qui prend la couleur complémentaire de la source de lumière éteinte, pour prouver cet état de fait.

          Couleurs complémentaires

Cette fois, les participant.e.s doivent donner la couleur consécutive de manière privée (après avoir été exposé à une influence minoritaire) et les résultats sont édifiants. Bien qu’ayant répondu bleu, une grande partie perçoit la couleur complémentaire du vert en image consécutive ! Ainsi l’influence minoritaire est bien latente et fait varier la perception des sujets eux-mêmes.

Les changements viennent entre autres des minorités dans notre société. Avec leurs visions uniques du monde, allant des domaines de la politique à la science, elles apportent des alternatives et amènent d’autres personnes à accepter le changement. À vous d’être acteur.rice.s de votre futur.

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