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Et si on s’habillait en morve de poisson ?

Si on s'habillait en QUOI?!

J’entends déjà vos réactions incrédules, et je vois très bien les grands yeux que vous faites, peut-être même la grimace de dégoût qui déforme votre visage, mais je ne rigole absolument pas : dans peu de temps, nous nous vêtirons peut-être avec de la morve de poisson. Vous allez me dire : même dans une soirée costumée, vous n’en voudriez pas. Mais si vous le permettez, je vais quand même vous expliquer un peu…

A quoi pouvez-vous bien penser si je vous parle de « myxines » : un personnage de la mythologie grecque ? Un énorme score sur Mot Compte Triple au Scrabble ? Certes… Mais derrière ce nom bizarre, il y a un curieux animal, environ mille fois moins glamour qu’un koala ou qu’un panda, et c’est sûrement la raison pour laquelle on ne vous en a jamais parlé. Aujourd’hui nous rétablissons cette injustice, et on va même faire tout de suite les présentations !

Les myxines sont des animaux aquatiques qui ressemblent à de grosses anguilles, mesurant 50 cm de long en moyenne et pesant environ 1 kg. On les considère souvent comme des poissons, au même titre que les lamproies, avec qui elles forment le groupe des Agnathes (« sans mâchoires » en grec). Ci dessous, une myxine pacifique.

Pacific_Hagfish

Elles vivent sur les fonds marins, où elles se nourrissent de carcasses de poissons, qu’elles pénètrent pour les dévorer de l’intérieur. Charmant, non ? Ajoutez à cela le fait qu’elles n’aient pas d’yeux, des barbillons partout autour de la bouche et des dents pointues posées sur une plaque de cartilage, et vous avez un sérieux candidat pour le titre d’animal le plus moche du monde. D’ailleurs, savoir que les anglais les appellent « hagfish », qu’on peut littéralement traduire par « poisson vieille peau » ou « poisson vieille sorcière », nous confirme qu’on n’est pas les seuls à trouver les myxines moches. Mais nous ne sommes pas ici pour juger…

Car si la myxine est encore présente parmi nous aujourd’hui, c’est qu’elle a trouvé un excellent moyen de se défendre contre les requins, mérous et autres congres qui aimeraient en faire leur dîner dans les abysses. Quand elle est attaquée, elle produit un mucus gluant qui va se coller dans les dents, puis dans les branchies du prédateur, qui finit par étouffer s’il ne s’en débarrasse pas. Vous en avez un très bon exemple ici où une myxine repousse successivement quatorze assaillants !

La substance produite par la myxine est composée de protéines appelées filaments intermédiaires et présentes dans toutes les cellules animales. Une équipe de chercheurs de l’université de Guelph (Canada), a montré que ces filaments, 100 fois plus fins qu’un cheveu humain, pouvaient occuper plusieurs centaines de fois leur volume sec quand ils sont introduits dans l’eau ! Et les 150 glandes présentes sous la peau d’une myxine adulte peuvent produire plus d’un million de kilomètres de fil !
Une étude plus poussée (toujours par la même équipe) a permis de mettre en évidence les propriétés de ces fibres : elles sont proches de celles du kevlar, ce matériau avec lequel on fabrique les gilets pare-balles. Ces fibres sont ultra-résistantes, inodores, colorables à l’infini, et elles sont bien sûr entièrement biodégradables. Leur élaboration ne demande a priori aucun processus industriel chimique lourd (comme pour le polyester), et les chercheurs canadiens évoquent déjà la possibilité de transférer le gène des filaments intermédiaires dans des bactéries. Ceci éviterait de devoir prélever et manipuler des myxines vivantes (qui sont déjà gravement menacées) pour leur faire produire du mucus, un processus au cours duquel les animaux peuvent être soumis à des stress répétés.

A quand des tee-shirts en mucus de myxine ? Peut-être 2020 selon Tim Winegard, chercheur de l’équipe de Guelph, mais il reste encore à l’industrie textile à s’approprier le matériau. En tout cas, si l’on est capable de fabriquer des vêtements à partir de ces fils ultra-fins, la mode a de beaux jours verts devant elle.

Une question reste cependant sur toutes les lèvres : qu’arrivera-t-il à nos beaux vêtements en morve de myxine s’il pleut dessus ?

 

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