Introduire la créativité à l’école

 

En 2009, “année européenne de la créativité et de l’innovation”, était publié un rapport de l’OCDE sur les compétences du nouveau millénaire pour les apprenants. La créativité y apparaît comme l’une des compétences essentielles du XXIe siècle. Le rapport constate néanmoins qu’il “existe peu de programmes de formation des maîtres qui ciblent l’enseignement ou le développement des compétences nécessaires au XXIe siècle”. Souscrivant intuitivement à ces conclusions, nous avons voulu explorer la question en analysant le processus créatif. La créativité apparaît comme une capacité dont nous disposons tous et qui se trouve être vitale pour faire face aux enjeux de ce siècle et des suivants. Nous examinons alors l’impact négatif de l’école sur le développement de la créativité, pour enfin proposer des pistes : introduire la créativité à l’école et permettre aux élèves de devenir des constructeurs de savoirs créatifs et collaboratifs.

 

Comprendre la créativité 

Vers une conception de la créativité comme capacité universelle

“La créativité est la capacité à réaliser une production nouvelle et adaptée au contexte dans lequel elle se manifeste” Sternberg et Lubart, 1995.

Voici la définition qui fait actuellement consensus parmi les chercheurs. En d’autres termes, la créativité est la capacité à produire des idées originales, qui ont de la valeur dans un certain contexte. Dès lors, on s’éloigne d’une créativité effervescente, chaotique ; elle doit être adaptée à la situation dans laquelle elle s’exprime et donc en satisfaire les contraintes. Il n’est pas non plus nécessaire de changer le cours de l’histoire ou de réaliser des inventions géniales pour être créatif, car le moindre changement identifié constitue une originalité : La créativité n’est plus réservée aux “génies”. Un duplicata d’une production déjà existante peut être une démarche originale à l’échelle de l’individu et donc résulter d’un processus créatif.

De nombreux domaines scientifiques abordent la créativité sous des angles différents. Certaines disciplines s’intéressent principalement aux individus, à leurs motivations, d’autres à leur éducation et aux sociétés dans lesquelles ils ont vécu. Les neurosciences s’interrogent elles sur les bases neurobiologiques et neurophysiologiques de la créativité, telles que l’importance du dialogue entre les hémisphères gauche et droite du cerveau (M. O’Boyle et al, 2004), ou encore l’influence de la noradrénaline dans le processus créatif (Maier, Weisbrod, Thimm, et Spitzer 1996).

En explicitant les processus qui sous-tendent la créativité à l’échelle biologique, la recherche a brisé le mythe d’une créativité “divine”. Le concept de muses ou d’inspiration céleste permet de soulager les artistes créatifs du poids psychologique de leur propre créativité, mais pas d’expliquer cette dernière. Il n’y a pas non plus “d’interrupteur magique” dans le cerveau qui déclencherait soudainement une innovation. Le processus créatif est tout sauf linéaire ; il prend du temps et mûrit à travers différents mécanismes que les chercheurs s’efforcent encore à comprendre (Gruber & Wallace, 1999). En prouvant que nous disposons tous d’un potentiel créatif, les sciences ont rendu la créativité à l’ensemble de la population, capacité jusque-là prise en otage par l’acte artistique et les “génies créatifs”.

 

Le processus créatif

Ces 20 dernières années, notamment à travers la recherche expérimentale et l’utilisation de l’intelligence artificielle, les neurosciences et la psychologie de la créativité ont illustré le concept de cognition créative. C’est l’idée selon laquelle certaines capacités de traitement de l’information chez l’humain sont destinées (plus que d’autre) à la recherche de nouvelles idées. Huit capacités intellectuelles ont ainsi été identifiées comme essentielles dans l’acte créatif : la capacité à définir et identifier le problème, l’encodage sélectif, les connaissances, la comparaison sélective (analogie, métaphore), la combinaison sélective, l’auto-évaluation de la progression vers la solution du problème, la pensée divergente et la flexibilité cognitive (Lubart et al., 2003). Si certains de ces processus sont assez évocateurs, tous mériteraient leur propre article. Attardons-nous sur les deux derniers mentionnés, qui jouent des rôles de premier plan dans le processus créatif.

La pensée divergente se traduit par la capacité à générer un grand nombre d’idées différentes à partir d’un stimulus unique (Guilford, 1950, 1967). On peut l’opposer à la pensée convergente qui, par essence, cherche une unique réponse, la réponse “optimale”. Or, créer une grande quantité d’idées diverses éloignées de la norme, c’est augmenter ses chances de tomber sur une idée originale qui peut satisfaire les contraintes de la situation. Pour répondre à une question ou à un problème, la pensée divergente se révèle plus efficace que la tendance que nous avons à mobiliser les connaissances qui nous sont rapidement accessibles, à savoir les idées les plus connues et partagées socialement (si je vous dit “chien”, il y a beaucoup de chance que vous pensiez “chat”). Il ne faut pas confondre la pensée divergente avec la flexibilité mentale. Cette dernière concerne davantage l’habileté à changer d’angle d’attaque ou de point de vue en se dégageant des habitudes de pensées et des connaissances déjà assimilées sur un sujet. Dans le cadre d’une résolution de problème, c’est le fait de passer facilement d’une approche à une autre, tandis que générer un grand nombre d’idées différentes tient plus de la pensée divergente.

Selon l’approche multivariée qui se développe depuis les années 1980, le potentiel créatif et son expression sont modulés par une combinaison de facteurs, dont le facteur cognitif regroupant les capacités intellectuelles énumérées plus haut. Ces facteurs sont représentés dans la figure ci-dessous, qui s’appuie sur plusieurs travaux de revue de la littérature scientifique (Besançon et Lubart, 2015, Lubart, Mouchiroud, Tordjman & Zenasni, 2003). Nous les aborderons brièvement ici et ils apparaîtront en filigrane dans d’autres parties. Notons que la nature des facteurs et leurs composantes varient selon les études (Lubart, 1999).

Une approche multivariée de la créativité, adapté de Lubart 2015.

 

 

Le conatif est tout ce qui touche à la personnalité, aux traits de caractère. Les individus les plus créatifs semblent se distinguer par leur persévérance, prise de risque et ouverture aux expériences nouvelles. Face aux nombreux obstacles qui jalonnent la résolution d’un problème ou la création, il est effectivement nécessaire de ne pas renoncer en cas d’erreur et de s’obstiner si l’on s’inscrit dans une démarche originale ou de résistance au courant dominant. Il y ainsi une notion de non-conformisme qui s’associe au fait d’être créatif. On compte enfin la tolérance à l’ambiguïté comme un trait de personnalité important, car il caractérise le fait de supporter des situations inachevées ou des conceptions ambiguës, et donc de résister aux solutions hâtives et faciles.

On sait aujourd’hui que l’état émotionnel d’une personne a une grande influence sur sa créativité : c’est le facteur affectif. Il y a bien sûr des interactions avec l’implication d’un individu, sa motivation, qui peut fluctuer selon le contexte. Mais les émotions n’ont pas uniquement un effet transitoire sur le processus créatif. La théorie de la résonance émotionnelle propose en effet de considérer le vécu émotionnel d’un individu comme un facteur à part entière (Lubart & Getz, 1997). En plus des connaissances que nous partageons avec les gens d’une même culture ou du même milieu social, nous gardons en mémoire des expériences émotionnelles qui nous sont propres, en lien avec des concepts ou des endroits par exemple. Selon cette théorie, ces deux types de connaissances sont activés lorsque nous engageons une réflexion. La richesse de ce vécu émotionnel permet alors d’effectuer des connexions peu fréquentes entre deux concepts pourtant éloignés sur le plan cognitif.

Le facteur environnemental est également jugé comme très impactant. Les cadres scolaires puis professionnels ainsi que le milieu culturel et social peuvent tous jouer un rôle de catalyseur pour la créativité, ou au contraire la freiner. Rosenzweig et Bennett (1996) ont ainsi mis en évidence l’effet de la richesse de l’environnement sur la plasticité cérébrale (en deux mots, l’incroyable capacité de notre cerveau à remodeler ses connexions en fonction de notre environnement et des expériences que nous avons vécues). Un environnement riche en stimuli sera plus propice à l’émergence de réponses diverses et nouvelles. Le cadre parental suscite également une grande quantité de questionnements et d’études, notamment concernant l’influence d’une éducation stricte ou d’une éducation laxiste. Il semblerait qu’elles aient un impact défavorable sur la créativité, et que l’environnement “souple”, une sorte d’entre-deux, soit le plus stimulant. En effet, ce dernier est source de régularités mais laisse la porte ouverte à des modifications et donc à de nouveaux possibles (Lubart et al., 2015). Enfin, le rôle de l’environnement scolaire est particulièrement pointé du doigt dans les travaux de recherche et sera évidemment questionné dans la suite de cet article.

 

Évaluer la créativité

Peut-être connaissez-vous le test de Jackson, aussi connu sous le nom de “test du trombone” ? Les consignes sont simples : le sujet doit dénombrer tous les usages possibles et imaginables d’un trombone. À ce jeu, les très jeunes enfants s’avèrent les plus performants. Ils vont trouver plus d’usages différents (et donc gagner plus de points), car ils s’imposent moins de limites dans la création de liens entre l’objet initial et le reste de leurs connaissances. C’est l’exemple parfait de flexibilité et d’usage de la pensée divergente. La particularité de ce test est de regarder le nombre de vos réponses et leur variété, sans s’intéresser à leur validité. Autrement dit, il faut oser : et si on disait que le trombone était en caoutchouc ? et si on disait qu’il faisait 20 mètres ? et si on en mettait deux côte à côte ? et si on disait que ça faisait une boucle d’oreille, et si…

Dans le but d’exercer leur créativité, certaines personnes relèvent quotidiennement ce défi à partir d’objets de la vie de tous les jours. Si vous le souhaitez, prenons un instant pour nous prêter à l’exercice. Essayons avec un peigne par exemple ; quelles sont toutes les utilisations qui se cachent derrière cette rangée de pics bien affûtés ?

Quelques exemples d’utilisations improbables de peignes © C.Nicolaï

 

 

Le Test de Pensée Créative de Torrance (TTPC) emploie ce “jeu” du trombone au côté d’autres activités. C’est un test qui va principalement évaluer la pensée divergente, à partir de plusieurs indices : la fluidité (le nombre d’idées produites), l’originalité (la rareté de chacune des réponses), la flexibilité (le nombre de type de réponses différentes) et l’élaboration (ajout de détails pour expliciter la réponse). Dans cet exemple de test, on demande au sujet de terminer des dessins ou des débuts d’histoires, de combiner des formes ou encore d’imaginer ce que représentent certaines figures. Ainsi, le test ne peut mesurer qu’une part assez restreinte du spectre créatif.

Comme le TTPC, Il existe une multitude de tests standardisés se concentrant sur des facteurs et processus différents. Citons la mesure de Tolérance à l’Ambiguïté de Norton et Zenasni par exemple. Malheureusement, ils sont trop nombreux pour raisonnablement tous les utiliser. On les emploie dans deux perspectives. La première est de mesurer le niveau de créativité d’un individu ou d’un groupe de personnes afin de suivre son développement au cours du temps, ce qui permet de déterminer l’impact de facteurs environnementaux ou de programmes spécifiques. La seconde perspective est d’identifier le potentiel d’un élève pour lui fournir des informations utiles ainsi qu’à l’équipe enseignante. L’idée n’est pas de séparer les individus en deux catégories, les créatifs et les non créatifs, mais d’identifier leurs points forts et points faibles pour mieux construire une éducation qui leur soit adaptée ; c’est la visée du test EPoC (Évaluation du Potentiel Créatif, Synlab, p.27, tableau 3).

Par ailleurs, le potentiel créatif d’une personne est spécifique à un domaine (Lubart & Guignard, 2004). Nous disposons tous d’un potentiel créatif, que ce soit pour la musique, la littérature ou la science par exemple. Il se développe selon l’intérêt porté au domaine et le temps qu’on lui accorde. Dans l’idéal, chaque test devrait donc se décliner pour plusieurs champs d’activité créative.

 

De l’importance de la créativité

Faire face aux enjeux d’un monde qui évolue exponentiellement

La plupart des enfants qui rentreront en petite section de maternelle en septembre seront retraités dans les années 2080. Pourtant, nous sommes loin de savoir de quoi le monde de demain sera fait, et la crise du SARS-CoV-2 en est la preuve la plus récente. L’un des rôles à jouer de l’éducation est de former les générations futures à faire face à des problèmes inédits. Il est crucial que ces enfants apprennent à s’adapter et à générer des solutions nouvelles, puisqu’ils devront composer avec de nouvelles cartes et des règles du jeu qui changent perceptiblement, voire radicalement dans certains domaines.

On cite souvent cette phrase de Socrate : « La spécificité des êtres humains, c’est leur grande capacité à s’adapter ». En réalité, c’est une capacité largement partagée au sein du règne animal. Face au dérèglement climatique, de nombreuses espèces développent des stratégies d’adaptations et montre une résilience incroyable. Ils bouleversent leur rythme de vie, de l’hibernation à la reproduction en passant par la migration. Seulement, ce n’est semble-t-il pas suffisant. D’après une étude récente se basant sur plus de 10 000 travaux de recherches, le rythme imposé par le réchauffement climatique est trop rapide pour ces espèces qui sont donc condamnées sur le long terme (V. Radchuk, T. Reed, C. Teplitsky et al, 2019). Il y a une certaine course contre la montre qui se lance dont nous ne sommes pas exempts, et qui ne concerne pas uniquement les enjeux environnementaux. Le monde évolue, se transforme. Sans pour autant sombrer dans un catastrophisme paniqué, une des seules certitudes que la recherche nous donne est la suivante : ces transformations se font de plus en plus rapidement. 

Le domaine de l’informatique en est un des nombreux exemples. Avec les progrès fulgurants de l’intelligence artificielle, ce ne sont plus seulement les métiers physiques et répétitifs qui sont menacés par l’automatisation. Du droit à la médecine, l’IA se substitue à l’homme dans la réalisation de tâches liées à la mémorisation de grands volumes de données ou liées à leur tri et analyse. Nous pourrions argumenter que d’autres caractéristiques jusque-là propres à l’homme, telles que la créativité, finiront un jour accaparées par la machine. Il existe en effet de nombreuses œuvres produites par des intelligences artificielles. Par exemple, la plateforme en ligne DeepArt permet de transformer n’importe laquelle de vos photos de vacances en un tableau peint au style de Van Gogh ; le résultat est troublant. En réalité, la machine se “contente” d’analyser et reproduire les mécanismes qui sous-tendent la création humaine en se basant sur une grande quantité de données (ici les nombreuses peintures de Van Gogh) et aussi sur une part d’aléatoire.

Quoi qu’il en soit, la créativité est jugée stratégique par les employeurs. On vous le martèle, elle fait partie des compétences du XXIème siècle. Si vous vous intéressez à la créativité, il ne vous a surement pas échappé que c’est un concept qui a été confisqué par le monde du travail. Soutenir que la créativité doit être enseignée à l’école, parce que c’est un atout majeur pour trouver un emploi et survivre dans ce monde compétitif, c’est appréhender le problème dans le mauvais sens. En effet, Il peut sembler plus pertinent de ne pas souhaiter une école qui prépare au marché de l’emploi et qui se calque sur ses intérêts, mais plutôt une école qui forme des esprits capables de bouleverser ces règles, capacité essentielle pour braver les enjeux qu’ils rencontreront. Cependant, on ne peut nier que la croissance économique de ce siècle dépendra de la production d’innovations dans les domaines de produits et de services.

Innovation, innovation, il nous faut de l’innovation ! Ce mot peut renvoyer rapidement à une pensée matérielle et marchande du processus créatif. Dans la “Valeur des idées” paru en 2007, le philosophe belge Luc de Brabandère explique la dualité Innovation-Créativité. À travers le processus créatif, nous pouvons changer notre perception de la réalité, tandis que l’innovation se traduit directement par un changement de réalité :

“L’innovation est du côté des objets, la créativité du côté des sujets. Le véritable changement est forcément double. […] Il faut changer son regard sur le monde, pour mieux ensuite changer le monde. » (de Brabandère, 2007)  

Nul doute que changer nos mœurs est au moins aussi important que changer le monde par le biais d’innovations. En effet, il peut paraître naïf d’attendre des innovations qu’elles sauvent l’humanité d’elle-même. Les innovations doivent donc s’accompagner d’une nouvelle mentalité, d’une éthique, car seule compte la manière de les utiliser. Changer ainsi de regard, pour ensuite parvenir à une avancée, c’est un processus que le monde de la recherche connaît bien. Pour Thomas Kuhn, “changer de paradigme”, c’est-à-dire changer de représentation du monde, c’est une révolution scientifique en soi (Kuhn, 1972). Pour initier ce changement de paradigme, qu’il décrit comme un ensemble de normes et de méthodes, il faut s’affranchir de ces dernières grâce à la créativité.

Nous avons souvent cette conception faussée d’une pensée scientifique où il n’y a de place que pour la rigueur. Mais si la méthode scientifique s’avère rigoureuse, elle se construit généralement sur des intuitions. Dans Insights of Genius, Arthur Miller cite et explicite les pensées de grands scientifiques et rejoue les controverses qui ont marqué l’histoire de la science. On remarque rapidement que le rôle de la créativité dans le monde de la recherche a été questionnée par nombre d’auteurs. Parmi eux, Max Planck, père de la physique quantique, suggère que “la découverte scientifique repose sur des processus d’imagination et non sur des processus déductifs”. Henri Poincaré, grand mathématicien et philosophe, écrit « Si c’est par la logique qu’on démontre, c’est par l’intuition qu’on invente » (Miller, 2000). L’intuition désigne une forme de connaissance qui n’existe pas encore et ne recourt pas au raisonnement. Elle est fortement liée à l’imagination que l’on décrit comme la faculté de se représenter ou de former des images dans l’esprit, notamment ce qui est immatériel ou abstrait. Or on considère l’imagination comme les prémices de la créativité (Besançon & Lubart, 2015), qui prend donc une place importante dans la méthode scientifique et dans la recherche.

 

La créativité, un mode de vie

Par définition, le processus créatif n’appartient pas uniquement à la démarche artistique et s’associe aux productions et activités de n’importe quel domaine professionnel. Et si on regarde au-delà, il y a la créativité d’un individu pour lui-même, celle qui est mobilisée quotidiennement et qui n’impacte pas nécessairement la société ou la culture de façon visible. Cette dernière se révèle source de bien-être et participe au développement personnel de l’individu. Pour autant, c’est une créativité qui n’est pas individualiste car elle contribue directement ou indirectement au bien commun comme peuvent le faire les grandes innovations.

Plus qu’un processus de pensée, la créativité est un mode de vie selon Sternberg et Lubart (1995, 1996). Être créatif, c’est se dire que l’on peut mobiliser notre réflexion pour créer de nouveaux possibles et répondre aux problèmes et situations de la vie. C’est la conviction d’avoir toujours à portée de main des possibilités et des solutions. D’ailleurs, les individus créatifs sont créatifs en grande partie parce qu’ils … l’ont décidé. (Sternberg, 2000). Ainsi, après avoir longtemps été considéré comme un don, parfois divin, la créativité est devenue une capacité partagée par tous, pour enfin être qualifiée de mode de vie, et même d’attitude ou d’habitude. Habitude qui peut – et doit – être prise dès le plus jeune âge. De nombreuses études sur le sujet menées dans le milieu scolaire montrent qu’un enseignement créatif développe non seulement la créativité chez les élèves, mais également des compétences valorisées par l’enseignement classique, au premier rang desquelles la mémorisation.

Le processus créatif prend tout son sens lorsqu’il y a un accomplissement, (seul ou à plusieurs) et ses bénéfices en termes d’apprentissage et de réalisation de soi sont innombrables. Il y a un plaisir à mener un projet du début jusqu’à la fin et la sensation d’auto-efficacité qui l’accompagne est cruciale pour l’estime que l’enfant a de lui-même. L’engagement total dans une activité, son accomplissement, le sentiment de maîtrise ressenti, sont alors autant de paramètres qui nous donnent le plaisir d’apprendre (Heutte, 2011 ; Laustriat, 2015a). Peut en découler un développement de la concentration et de l’autodiscipline, qui sont des effets directs d’une participation active et du plaisir éprouvé : lorsque l’on est passionné, la discipline se cultive d’elle-même, sans avoir à se forcer. Enfin, à travers un accomplissement créatif qui peut mêler ses diverses passions et l’apprentissage de nombreuses compétences et connaissances, l’enfant renforce son identité et se familiarise à l’expression de ses émotions et de ses idées.

Par ailleurs, la créativité est aussi une mine d’or pour le développement de la pensée critique, car elle nous invite à emprunter plusieurs angles de vue et à se libérer des courants dominants, notamment en gardant à l’esprit que les solutions les plus hâtives et faciles ne sont pas nécessairement les meilleures. On retrouve ici le non-conformisme et la tolérance à l’ambiguïté, des traits de personnalités qui exaltent le processus créatif. Ce processus est également une invitation à l’expérience, à s’ouvrir à son environnement et aux autres. Cette idée d’ouverture est partagée par Ruth Richards, pour qui la créativité est une fenêtre sur la réalité : « Elle vous rend plus résistant, plus vif dans le moment présent et, en même temps, plus connecté au monde » (Psychology today, 2009). Avec des collègues de la Harvard Medical School, cette chercheuse et professeure est à l’origine du concept de « créativité au quotidien ». Selon elle, la créativité a bien d’autres vertus encore, et offre entre autres des possibilités de “réalisation de soi” et un dynamisme qui aurait des bienfaits physiologiques.

 

Comment l’école tue la créativité

 

Une école d’un autre temps…

Imaginez. Un contemporain du 19ème siècle, dont le hobby est de voyager dans le futur, qui atterrit à notre époque. Évidemment, il s’émerveille devant l’invention du post-it et galère à activer sa caméra sur Zoom. Mais de toutes les choses qui font notre société d’aujourd’hui, l’école serait l’endroit qui le surprendrait le moins. Cette situation amusante, utilisée par le chercheur François Taddéi et qui pourrait être qualifiée d’expérience de pensée, ne signifie aucunement que l’école est restée inchangée. Mais son ADN est resté le même. Aujourd’hui, certains des grands principes intouchables qui lui servent de piliers peuvent nous sembler archaïques. Et pour cause, ils ont été créés il y a de cela deux siècles.

“L’école est calquée sur les intérêts de l’industrialisation et s’inspire de son image.” Ken robinson.

Lors de sa création, l’école n’avait pas pour but de développer la créativité des enfants, mais plutôt de leur apporter des connaissances et compétences répondant aux besoins des industries en développement. C’est ce qu’affirment de nombreux auteurs, parmi lesquels Ken Robinson, François Taddéi ou encore la sociologue et urbaniste Anne Querrien (Querrien, 2005). Arrêtons-nous quelques temps sur ce point, les écoles n’ont-elles pas été réfléchies comme des usines ? Cette analogie illustrée par l’image ci-dessous est proposée par l’auteur et orateur sir Ken Robinson. Elle dépeint le système scolaire d’alors comme rouage fondamental de la grande industrialisation du XIXème siècle en France. C’était un moyen de formater les enfants, surtout ceux venant des campagnes, à la vie industrielle : On apprend aux enfants à faire silence, à respecter l’autorité et les horaires fixes rythmés par le son de la cloche. Voilà les “aptitudes” primordiales pour un soldat, un ouvrier, ou même n’importe quel citoyen selon la doctrine bourgeoise : « l’élite pense et crée, tandis que le reste de la société fait ce qu’on lui dit ».

L’école, cette usine d’un autre temps, traduit depuis l’animation RSA ©Andrew Park, Cognitive Média.

 

Ken robinson nous invite à poursuivre l’analogie encore plus loin, en considérant maintenant les élèves comme les produits de cette usine. Nous sommes tous placés dans ce système par lots, “classés” par âge pour plus tard finir triés par thèmes ou domaine, par ailleurs bien cloisonnés entre eux. Comme si le point commun le plus important partagé par les élèves était leur âge (autrement dit, leur date de fabrication). Alors même que les enfants d’un même âge ont des niveaux différents selon les disciplines et éprouvent des besoins hétérogènes.

Cet usinage représente à merveille le conformisme, l’idée d’un moule où l’on formate les enfants au “monde qui les attend”, plutôt que de leur apprendre à le changer selon leurs rêves et leurs  idéaux. Toujours en France, ce caractère normatif est à l’époque renforcé par le programme national de formation des maîtres à l’École Normale (les maîtres sont formés pour enseigner la « norme » du savoir). Les professeurs sont régulièrement soumis à l’inspection, organe national veillant au respect du programme imposé à tous. C’est un modèle encore en place dans les différents systèmes scolaires et qui empêche grandement l’émergence d’initiatives ou de changement venant des professeurs ou des élèves.

 

 …qui inculque un mauvais rapport à l’erreur et à la prise de risque

Dans sa conférence Tedx pleine d’humour “Do schools kill creativity”, Ken Robinson raconte l’anecdote suivante : Lors d’un cours de dessin, le professeur demande à une petite fille ce qu’elle est en train de dessiner. “Je dessine Dieu”, répond-t-elle. Au professeur alors d’objecter : “Personne ne sait à quoi Dieu ressemble” et à cette dernière de répondre “Vous le saurez dans deux minutes”. Ce que l’on pourrait qualifier d’insouciance, ou simplement le fait de ne pas avoir peur de se tromper, est une chance inestimable. On tâtonne certes, mais en s’ouvrant à l’expérience et en faisant des erreurs, on apprend. Nous savons d’ailleurs des sciences cognitives que l’erreur constitue l’un des piliers de l’apprentissage, si elle est accompagnée d’un retour constructif (Butler, Winne, 1995). Comme nous l’avons vu plus tôt avec le test du trombone, les jeunes enfants vont naturellement prendre le risque de réaliser des associations et créer des liens. Malheureusement, la prise d’initiative semble se détériorer au cours du temps, entraînant avec elle un gaspillage du potentiel créatif.

Ce phénomène a été bien étudié en psychologie, en premier par Torrance. Ce dernier observe trois périodes de déclin dans la créativité des enfants : la première se situe vers l’âge de 5 ans, la seconde vers 9-10 ans et la dernière vers 13 ans (Torrance, 1968). La première période correspond à l’entrée des enfants en primaire en France et dans de nombreux autres pays. Selon Torrance, ce premier affaiblissement de la créativité est causé par un environnement scolaire normatif et par une focalisation sur les règles de la vie scolaire et l’apprentissage. Les travaux de la psychologue Margaret Clifford sur des enfants âgés de 8 à 12 ans montrent eux une diminution de la prise de risque et de la tolérance à l’échec au cours de la scolarité (Clifford, 1988). En leur proposant de résoudre des problèmes de difficultés variées, elle a constaté que les enfants ont tendance à choisir des problèmes bien trop facile pour leur niveau scolaire réel, et cet écart s’accentue avec les années.

Les coupables tout désignés sont la comparaison avec les autres et la compétition, qui tuent la créativité alors qu’elles pourraient la booster. Sont particulièrement mis en cause l’usage de notes, de classements et une pression énorme sur la réussite scolaire exercée par la famille, les professeurs et la société. S’ajoute à cela une certaine verticalité entre le professeur et les élèves, qui fait partie des fameux piliers de l’école décrits plus tôt. L’élève est là pour recevoir le “savoir” de l’enseignant et ce qui aurait pu être un vrai dialogue, permettant à l’élève d’émettre des idées sans craindre un jugement ou une note, n’est en fait qu’une relation à sens unique. Il n’y a qu’une réponse juste, optimale ; c’est celle de l’enseignant. Ce jugement binaire : “C’est juste ou c’est faux” et le système de punition ou de récompense qui l’accompagne induisent un rapport à l’erreur toxique, qui anéantit toute prise de risque et constitue un frein important à la pensée divergente et la flexibilité cognitive. Qui n’a jamais assisté aux moqueries ou jugements des autres élèves et du professeur après qu’un enfant ait posé une question jugée “hors sujet” ou donné une réponse fausse ?

Cette influence de l’enseignant sur l’élève et le développement de sa créativité passe également par la conception de l’élève idéal selon l’enseignant, même si elle n’est pas communiquée explicitement à l’enfant. En dressant le portrait de la conception qu’ont les professeurs américains de l’élève idéal, la psychologue américaine Kathryn Wentzel dépeint un enfant silencieux, qui comprend et suit les consignes. L’obéissance et le conformisme font donc partie des caractéristiques désirées par les professeurs chez les élèves (Wentzel, 1993). Or ces derniers ont tendance à se conformer aux attentes d’une autorité (enseignant ou parentale) transmise de manière inconsciente : C’est l’effet Pygmalion (Rosenthal & Jacobson, 1968).

Les enfants développent alors des comportements associés à une diminution de la prise d’initiative afin de satisfaire les attentes implicites ou explicites du professeur et de leurs parents, ou alors se placent tout à fait à rebours du système scolaire et sont marginalisés. Les traits de personnalité tel que la prise de risque, l’ouverture à l’expérience, le non-conformisme et la tolérance à l’ambiguïté sont autant de composantes du facteur conatif qui sont affectées, détériorant ainsi la créativité chez l’enfant.

 

…et qui privilégie les connaissances et les hiérarchise

Au-delà de la logique de croissance économique, le système scolaire est fortement imprégné des idéaux des lumières. Les idées de ce mouvement intellectuel et culturel ont largement contribué à la structuration de l’école publique lors de sa création. La définition de l’intelligence selon les Lumières semble décrire une capacité académique reposant sur des connaissances classiques et le raisonnement déductif. Se crée alors une séparation entre les “personnes académiques” et “personnes non-académique” (en clair entre les élèves aux bons résultats et ceux qui ont de mauvaises notes) qui fait encore beaucoup de mal aujourd’hui. Nombreux sont ceux qui se pensent “bons à rien” parce qu’ils ont des difficultés à l’école, alors même que cette supposée intelligence est basée uniquement sur des critères spécifiques hérités du passé, à savoir les compétences et connaissances considérées comme fondamentales par l’école.

En effet, ces critères deviennent mécaniquement archaïques. L’école sélectionne encore les enfants uniquement sur le calcul et la mémorisation de connaissances, des tâches qui peuvent maintenant être effectuées par la plupart des machines. Bien sûr, l’idée n’est pas de remettre en question l’apprentissage de la numératie et de la littératie en lui-même, mais sa place, son organisation et sa visée. Force est de constater que le système scolaire ne s’est pas bien adapté aux changements de paradigme qui se sont succédés depuis sa création, tel que la révolution numérique, et ne semble pas non plus pouvoir s’adapter aux changements qui se profilent dans le futur. Nous nous focalisons sur la mémorisation de connaissances, qui sera bientôt en partie rendue obsolète par notre société de savoirs en mutation rapide. Dans l’ouvrage « Science since Babylon » paru en 1975, Derek de Solla Price montre la croissance exponentielle des savoirs scientifiques entre 1700 et 1950. En ces temps, la quantité de savoir doublait tous les quinze ans, que dire alors d’aujourd’hui ! Cette croissance diffère évidemment selon les disciplines, mais pour ne citer qu’elle, la recherche en biologie a vu naître ces dernières décennies de grandes avancées scientifiques notamment en génétique et en biotechnologie.

La créativité souffre également de la hiérarchisation des disciplines et de leur cloisonnement. Le système scolaire ne valorise pas de la même manière les disciplines scientifiques et les arts. On retrouve d’ailleurs cette hiérarchie au sein même des sciences (d’abord les mathématiques et les sciences naturelles, puis viennent ensuite les sciences humaines et sociales) ; c’est le même constat au sein des arts (d’abord les arts “plastiques”, puis les arts dramatiques par exemple). Mais le fait de considérer les arts comme étant le supplément d’âme du système éducatif a un effet direct sur l’enseignement de la créativité. En effet, la créativité n’est accueillie à l’école que dans l’acte artistique, et reste toujours associé à un accomplissement esthétique. Or les enseignements artistiques sont des matières sacrifiées, qui sont souvent optionnelles ou tout simplement absentes de certains établissements. Enfin, s’il y a une volonté de plus en plus grande d’encourager l’interdisciplinarité à l’école, trop peu de moyens sont mis en œuvre et rares sont les ponts créés entre les matières. Ce cloisonnement impacte fortement la créativité car, rappelons-le, associer des idées entre différents champs est essentiel dans le processus créatif.

Nous avons vu précédemment que les connaissances sont l’une des caractéristiques cognitives essentielles à l’expression de la créativité. Mais s’il est nécessaire de détenir un minimum de notions sur lesquelles se baser, un trop plein de connaissances sur un sujet peut s’avérer contre-productif et diminuer la flexibilité cognitive. En d’autres termes, une spécialisation excessive, c’est le risque de s’enfermer dans nos connaissances acquises et de ne plus être en mesure de créer des ponts avec d’autres concepts ou savoirs. Une expérience sur des joueurs de bridge avec des niveaux plus ou moins élevés met en évidence ce phénomène : en cas d’un changement radical des règles du jeu (qui peut être apparenté à un changement de paradigme), les joueurs novices avec peu de connaissances sont moins gênés et s’adaptent plus rapidement que les joueurs experts (Frensch et Sternberg, 1989).

 

Comment introduire la créativité à l’école ?

 

Un système ouvert qui encourage la créativité 

Depuis les années 1950, un grand nombre de programmes et d’outils ont été développés pour faciliter la pensée créative. Bien sûr, vouloir encourager la créativité est une forme de paradoxe qui n’est pas sans rappeler l’injonction : “Sois libre mon fils !”. Mais ces techniques reposent sur l’idée que la pensée créative peut malgré tout être apprise et facilitée.  il faut alors composer avec le risque de ne faire que substituer un cadre normatif à autre. Il s’agit avant tout de familiariser les élèves au processus créatif et encourager la pratique et le développement des capacités intellectuelles essentielles à la créativité, comme par exemple réfléchir de manière fluide, flexible, en intégrant des éléments nouveau et divers (Hattie, 2013). Parmi ces pratiques pédagogiques, nombreuses sont celles qui s’inspirent directement des recherches sur le sujet, et qui redéfinissent le rôle de l’éducation et celui des enseignants (Sternberg, 2003).

Pour introduire la créativité à l’école, il est nécessaire de comprendre que c’est un processus qui prend du temps comme mentionné au début de l’article (Gruber & Wallace, 1999). Pour que la réflexion, ainsi que l’incubation et la maturation des idées se fassent, les élèves comme les professeurs doivent s’armer de patience. Mais c’est aussi et surtout un temps qui doit être dégagé d’un curriculum déjà trop rempli. Le défi est de créer une véritable zone de liberté dédiée à la créativité, ou les apprenants peuvent pratiquer sans ressentir une pression.

Conformément à la volonté de développer une habitude ou une attitude créative, on peut imaginer l’intégration de “rituels” hebdomadaires voire quotidiens. Au programme, des exercices de production créative collectifs ou individuels et un “méta-apprentissage”. Il y aurait d’une part des mises en situations qui font travailler l’enfant sur les différents facteurs jouant un rôle dans la créativité, comme les facteurs cognitif et conatif. Sans oublier le domaine émotionnel (le facteur affectif donc), qui est totalement laissé de côté en milieu scolaire, malgré son rôle essentiel dans la créativité et dans l’apprentissage. Mais surtout, Il faut encourager les élèves à réfléchir sur leur propre fonctionnement, et les méthodes et stratégies qu’ils emploient. La métacognition désigne un enseignement qui aide les élèves à prendre conscience de leurs processus cognitifs et à les apprivoiser. Il y a en effet un cruel manque de connaissances des élèves sur leur façon d’apprendre des connaissances et de les utiliser (Kirschner & al, 2013). L’instruction directe et explicite de ces fonctionnements complète avec efficacité la pratique d’activités créatives.

Les mises en situations ou les exercices de production créative seraient eux mis en place dans toutes les disciplines (et pas seulement artistiques) plutôt que d’être uniquement abordées dans une matière à part. Proposer des évaluations avec des questions ouvertes, travailler sur des analogies, des combinaisons d’idées éloignées, sont autant de pistes qui favorisent le développement de la pensée divergente et qui sont compatibles avec toutes les matières et qui peuvent s’avérer ludique. Dans le champ littéraire par exemple, il s’agirait avant tout de produire des histoires originales, plutôt que de se concentrer uniquement sur le maniement de la langue. De la même manière, dans les disciplines artistiques il s’agirait de réaliser des productions créatives qui ne recherche pas uniquement l’esthétisme mais aussi l’originalité en soi. L’objectif est de valoriser la production d’idées originales, qui contentent les contraintes imposées par la matière. Un effet bénéfique est alors observé à la fois sur la pensée divergente et convergente, et permet d’associer les objectifs d’apprentissage (Sternberg, 2003).

Une autre compétence essentielle à développer chez les élèves est la capacité à évaluer des productions créatives. Évaluer une production permet aux élèves de reconnaître les critères de créativité, qui seront autant de point de repères lorsqu’ils se prêteront à leur tour à l’exercice : “Cette réalisation est-elle originale ? Est-ce que les contraintes du contexte sont respectées ?”. Il est alors nécessaire de mettre en place une notation s’écartant de la dichotomie traditionnelle : “bien” ou “pas bien” et qui intègre les notions de points forts, point faibles et d’autres aspects permettant un retour constructif et utile.

 

 

Hors sujet ou approche originale ? Introduire la créativité dans chaque matière

 

On le sait, quand l’école veut donner de la valeur à quelque chose, elle le note. À défaut de changer complètement le système de notation, on peut y intégrer la créativité. Plutôt que de favoriser uniquement l’acquisition de connaissances, l’idée serait donc d’évaluer la pensée créative dans les différents domaines de connaissance. Les élèves ne seraient plus évalués sur ce qu’ils ont appris par cœur, mais sur leur capacité à exprimer un point de vue original sur un sujet ainsi qu’une pensée critique sur leur travail et celui des autres. Évidemment, c’est prendre le risque d’assujettir ces activités créatives à une motivation extrinsèque liée à la pression des notes. Les apprenants sont alors créatifs parce qu’il le faut, et non plus pour eux-mêmes, ce qui impacte négativement leur créativité. En France, il est difficile de mettre en place de telles modalités de notation à l’échelle d’une classe ou d’un établissement. Elles doivent être fixées par une politique nationale faisant la promotion de ces compétences.

Ouvrir le curriculum, les programmes à la créativité ne suffit pas, il faut lui ouvrir les portes de l’école dans son entièreté. Il est nécessaire de proposer un environnement physique qui stimule la créativité, c’est-à-dire qui soit assez souple pour laisser l’élève exercer sa créativité. (Sternberg, 2007). Du changement de la configuration des tables et chaises dans la salle de classe jusqu’à la conception et l’idéation de certaines parties du programme, il faut permettre aux élèves d’être acteurs de leur propre apprentissage et participer eux aussi à la construction d’une école ouverte et créative. Introduire la créativité à l’école, c’est aussi amener de la créativité dans l’organisation et la structuration de l’enseignement lui-même ! C’est donner les moyens aux professeurs et autres acteurs pédagogiques d’envisager de nouveaux possibles et encourager les initiatives individuelles, axées sur les besoins des professeurs et des élèves ainsi que sur le contexte des classes ou des établissements dans lesquels elles interviennent,

 

Apprendre à apprendre 

On donne à l’éducation un rôle social, culturel, personnel et économique. Il va sans dire que le curriculum déborde et que les enfants ont des emplois du temps dignes de celui du ministre de l’éducation. Il devient vite compliqué d’aménager du temps pour favoriser les pratiques créatives évoquées un peu plus haut. C’est un problème assez récurrent : l’enseignement du monde qui nous entoure (mathématiques, sciences naturelles…) et du rapport de l’homme au monde (littératures, sciences humaines et sociales, arts…), finit par prendre le dessus sur l’apprentissage…de nous-même. Vivre avec les autres, apprivoiser nos émotions et tirer des bénéfices de nos passions, sont autant de compétences qui souffrent de ce déséquilibre entre les savoirs et les savoirs-être, et la créativité en pâtit directement.

Par ailleurs, avec les travaux de Stenberg sur les joueurs de bridge, nous avons déjà évoqué comment le savoir peut agir tel une lame à double tranchant. Si la créativité se construit à partir d’une base de connaissances, les experts peuvent s’enliser dans une approche de pensée, perdant ainsi de vue les autres perspectives. En revanche, un savoir pluridisciplinaire, élargi à de nombreux concepts est déterminant pour être créatif. Frans Johansson explique ainsi dans son ouvrage “L’effet Médicis”, que “nous devons trouver un équilibre entre l’étendue et la profondeur du savoir afin d’optimiser notre potentiel créatif” (Johansson, 2006). Par conséquent, si les professeurs ont l’avantage de la connaissance, les élèves possèdent celui de la flexibilité. Tous gagnent à considérer l’apprentissage comme une conversation, comme un véritable échange, éloigné d’une transmission de savoir à sens unique. Il est alors nécessaire que l’élève ne soit pas bridé et que son point de vue ne soit pas systématiquement rejeté s’il ne correspond pas à celui du professeur. Dans ces conditions, l’enseignement n’est pas centré sur le professeur mais sur l’élève, qui n’est plus passif ; il devient acteur de son propre apprentissage.

Le rôle du professeur est alors d’éveiller la curiosité ainsi que l’imagination de l’élève et de lui transmettre le plaisir d’apprendre. Autrement dit, il doit lui apprendre à apprendre. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’y a pas de contradiction à former des “autodidactes”. À travers une autonomie de l’apprentissage guidée par la curiosité et l’envie d’apprendre, les compétences et les connaissances sont mêmes acquises plus profondément et durablement. En outre, dans un monde en mutation rapide, il est important de former des élèves qui sauront renouveler le savoir, et qui continueront à apprendre et évoluer toute leur vie. Ils pourront s’appuyer sur un accès au savoir et à l’échange d’informations grandement facilité par internet et les nombreuses ressources éducatives libres qui s’y trouvent. Tout l’enjeu est de fournir un cadre, dans lequel les élèves sont conseillés par les professeurs et apprennent à transformer l’information en savoir. L’autonomie et l’exploration sont alors indispensables ; il est nécessaire de les laisser emprunter les chemins qui les intéressent parmi un choix très large de possibilités. Ce sont les conclusions des auteurs de l’ouvrage “Opening-up Education, The collective Advancement of Education through Open Technology, Open Content and Open Knowledge”: les professeurs peuvent jouer le rôle de “sommelier de l’éducation”, proposer un environnement riche et collaboratif aux élèves et guider leur choix parmi un grand nombre d’options (T. Liyoshi et M. Kumar, 2008). Dans ce but, il est nécessaire de garantir des passerelles ainsi que la possibilité pour les étudiants de revenir aux matières plus traditionnelles après l’exploration de voies “marginales”. C’est une façon de promouvoir la prise de risques chez les étudiants, qui oseront plus volontiers étudier des disciplines non-traditionnelles s’éloignant de leurs acquis.

Pour reprendre les mots de Ken robinson, il s’agit d’aider les élèves à trouver leur élément. Dans cette quête, il faut les assister dans l’identification de leurs talents et de leurs passions afin qu’ils puissent les conjuguer ensemble. Il faut valoriser le “devenir”, encourager les enfants à se comprendre mieux et à agir en accord avec ce qu’ils ressentent.

“Nous devons reconsidérer l’importance qu’il y a à nourrir le talent humain, tout en sachant que celui-ci s’exprime différemment en chaque individu.” – Ken Robinson

L’une des clés pour le développement de la créativité est effectivement d’aider les enfants à identifier ce qu’ils aiment faire, car c’est dans leurs passions et leurs sujets d’intérêts qu’ils seront les plus créatifs (Sternberg, 2007). Comme évoqué précédemment, la motivation est l’une des composantes du facteur conatif, c’est-à-dire des “traits de personnalité” qui affectent le processus créatif. Deux formes de cet aspect fondamental de la création peuvent néanmoins être distingués : la motivation extrinsèque et la motivation intrinsèque. La première concerne des éléments de motivation extérieurs à soi : besoin de réussite, de richesse ou de reconnaissance sous toutes ses formes. À l’opposée, la motivation intrinsèque est liée à la passion et au plaisir de s’adonner à l’activité créatrice. On est gratifié de l’activité en elle-même et non des éventuelles récompenses extérieures. C’est une importante distinction qu’il faut faire entre l’intérêt et la passion, car le simple intérêt ne nous soutiendra pas sur le long terme. Chercheuse à l’Université d’Harvard, Teresa Amabile a conduit un grand nombre d’étude en milieu scolaire ou artistique sur la motivation des individus et leur créativité. Elle a montré qu’ils atteignent le summum de leur créativité lorsqu’ils ont trouvé ce qu’ils aiment faire, et qu’ils le font : aimer être créatif exerce un effet levier sur la créativité (Amabile, 1996). En effet, en tirant du plaisir de l’activité créative, ils se préoccupent moins du jugement normatif d’autrui et ne vont pas se limiter dans leurs approches et leurs idées, échappant de fait à un certains conformisme. Par ailleurs, des études utilisant une approche sociale de la psychologie de la créativité ont aussi été menées par Amabile et ses collaborateurs et montrent que la motivation intrinsèque est fortement liée à la tolérance à l’ambiguïté, facteur essentiel du processus créatif. Autrement dit, un individu animé d’une telle motivation ressent peu de gêne ou d’anxiété lorsqu’ils s’attaque à des tâches ambiguës ou floues (Amabile, 1996 ; Besançon & Lubart, 2015).

En revanche, les personnes motivées par des gratifications extérieures sont par essence moins créatives car elles sont animées par un désir de bénéfices immédiats, malheureusement peu compatible avec les démarches à contre-courant et les idées originales. C’est pourquoi le goût de la création doit s’enraciner en nous-même et la démarche créative doit être passionnée, favorisée par un climat de maîtrise plutôt qu’un climat de compétition. Comme abordé précédemment, le sentiment d’efficacité personnelle joue également un rôle déterminant dans le processus (Heutte, 2011 ; Laustriat, 2015a). Par conséquent, promettre aux élèves de “récompenser” leurs productions créatives, c’est mettre en danger leur créativité. Avec les notes et les classements, la pression exercée par l’environnement scolaire et familiale, la motivation extrinsèque risque de prendre encore une fois le dessus sur la motivation intrinsèque. Il faut donc réfléchir à des manières non-traditionnelles de valoriser le processus créatif.

 

Apprendre par la recherche et la résolution de problème

Quoi de plus motivant que d’aider les autres et d’apporter des solutions aux problèmes qui nous touchent nous et notre entourage ? Mettre l’humain au centre de l’apprentissage ou aborder certaines causes et problématiques est une manière d’impliquer les élèves, par exemple en axant un projet sur un ou plusieurs Objectifs pour le Développement Durable des Nations Unies. Leur proposer de travailler sur des problématiques qui les touchent eux personnellement ou leur entourage permet de développer de nombreuses compétences et connaissances : On rapproche souvent cette méthode à l’approche “pensée design” ou “design thinking”.

La “pensée design” est l’un des piliers d’Humanos, une organisation à but non lucratif qui vise à transformer la vie des personnes vivant dans des communautés pauvres, notamment à Haïti, grâce à la pensée créative. Son co-fondateur, Niels Billou, explique que la pensée design pose ses fondements sur la compréhension approfondie des besoins et des motivations des personnes et l’identification des problèmes liés au contexte : “Nous ne nous présentons pas avec des solutions préconçues et nous cherchons à savoir ce qui compte vraiment à ce moment précis, à cet endroit précis, pour la communauté avec laquelle nous travaillons”. Pour les enfants qui participent à ces projets, il s’agit de mettre en œuvre des solutions utiles à leur famille et leur communauté. Cette résolution de problème permet aux enfants de se questionner et de passer du temps sur l’identification et l’élaboration de ces solutions. C’est aussi l’occasion de donner davantage de responsabilités aux étudiants. À travers ce cadre propice à la créativité sont formés des esprits libres, responsables et innovants capables d’élaborer des solutions au problèmes d’aujourd’hui, mais surtout capable de s’adapter à ceux de demain.

Chercheur à l’Université de Cambridge, Tyler Denmead souligne l’importance d’un engagement actif et dynamique dans l’apprentissage comme celui proposé par la résolution de problème. Pour développer une pédagogie active, il suggère également d’adopter une posture consistant à “ne pas savoir” et insiste sur le fait d’expérimenter, explorer tous les possibles. Il faut selon lui promouvoir une ouverture d’esprit et empêcher le gâchis causé par l’inhibition de l’enfant (Denmead, 2011). Ainsi, encourager la créativité passe par la promotion de la prise de risque et la métamorphose de notre rapport à l’erreur. Il faut prendre le risque de se tromper ; l’objectif est d’édifier une culture du questionnement, de la pensée critique et créative. Les chercheurs le savent bien : savoir se poser des questions est essentiel dans la démarche scientifique. La recherche est en fait intimement liée à la créativité et peut l’exacerber en mobilisant de nombreuses compétences essentielles à la créativité, tel que pensée divergente, la prise de risque ou encore la tolérance à l’ambiguïté.

Ce sont des compétences fortement valorisées chez Les Savanturiers – École de la recherche. Ce programme fondé par François Taddéi et Ange Ansour met en place des collaborations entre chercheurs et enseignants. Pour développer “les 4 dimensions de l’activité scientifique de l’élève : créative, méthodologique, critique et collaborative”, ils aident les élèves à se familiariser avec les méthodes, concepts et outils de divers champs d’investigation scientifiques et à renforcer leur métacognition. C’est un véritable apprentissage par la recherche !

Le manque de métacognition et de connaissances sur le processus créatif est effectivement une difficulté qu’il faut combattre. Par exemple, on enseigne trop souvent les conclusions scientifiques sans aborder l’histoire et le processus scientifique et créatif ayant abouti à la découverte. En France, le programme La main à la pâte de Georges Charpak aide les enseignants à établir une pédagogie d’investigation permettant de stimuler chez les élèves esprit scientifique, compréhension du monde et capacités d’expression. Les enfants découvrent la science par l’expérimentation, l’exploration et le débat, et en parallèle on leur enseigne l’histoire de la science et le processus scientifique. Ainsi, les projets qui mêlent apprentissage par la recherche et la résolution de problèmes en lien avec des thématiques chères aux étudiants et avec leur contexte, sont d’excellents moyen d’introduire la créativité à l’école. Ils mettent en place des conditions favorables à la prise d’initiative et aux questionnements, ainsi qu’à une activité créative et collaborative.

 

Collaboration et créativité

On a tendance à l’oublier, la créativité est un processus dynamique. Confronter sa perception avec celle des autres est la meilleure manière de faire évoluer des idées et d’exacerber l’accomplissement créatif. Les élèves se familiarisent plus facilement à une attitude créative, de prise de risques et de remise en question lorsqu’ils sont en interaction avec leurs pairs. Ainsi, tout un pan des stratégies de stimulation de la créativité concerne le groupe, la collaboration, et plus largement la culture.

Une communauté créative se décrit comme un groupe dont l’objectif est d’assurer un cadre fertile et créatif pour ses membres. Notons que le rôle historique des communautés dans l’irruption et la promotion de changements dans l’éducation a été souligné par des études en ethnographie, un domaine des sciences sociales qui étudie sur le terrain la culture et le mode de vie de peuples ou de milieux sociaux donnés (J. Schensul, M. Borrero, R. Garcia, 1985). Ainsi, dans son rapport “Former des constructeurs de savoirs collaboratifs et créatifs : un défi majeur pour l’éducation du 21ème siècle” pour l’OCDE, François Taddéi propose de recréer les salons qui ont largement contribué à la maturation et à la diffusion des idées des lumières. Ces “salons modernes” seraient de véritables lieux de créativité, consacrés au libre échange d’idées et à une interaction saine et constructive. Taddéi cite en particulier l’immersion de Kevin Dunbar dans des laboratoires de recherches américains renommés. Ce neurologue montre dans une étude que “les idées créatives viennent d’interactions répétées entre un grand nombre de cerveaux ouverts et différents, qui ont appris à se faire mutuellement confiance et à collaborer”.

Dès lors, on peut considérer la coopération comme une compétence déterminante pour développer la créativité chez les élèves. Ceux-ci doivent apprendre à échanger des idées, mener une pensée critique et savoir interagir de manière constructive. Les notions de respect, confiance et liberté sont indissociables d’un tel fonctionnement. Selon le Laboratoire d’Intelligence collective et Artificielle (LICA), l’intelligence collective n’est pas spontanée, elle s’organise. La nécessité d’un cadre complique donc l’interaction lorsque la communauté devient trop importante en nombre. Avec ses avantages et ses défauts, la révolution numérique propose des outils inespérés pour l’échange d’informations et permet de réunir de grandes communautés sur des plateformes fertiles où circulent librement les idées. Il faut donc également initier les élèves à cette autre façon d’interagir, qui est déjà indispensable aujourd’hui.

Des interactions enrichissantes entre plusieurs individus aux compétences et connaissances différentes, c’est une manière de décrire l’interdisciplinarité, qui se traduit par la mise en connexion de différents domaines au sein d’un groupe ou même à l’échelle de l’individu. On ne compte plus les découvertes scientifiques qui ont vu le jour grâce à des personnes qui ont transcendé les frontières traditionnelles entre les disciplines. Par exemple, l’étude des cahiers de Charles Darwin montre comment il s’est appuyé sur des métaphores et autres relations entre plusieurs concepts pour développer la théorie de l’évolution. Cette pensée métaphorique n’est qu’un exemple de combinaison sélective, l’une des capacités cognitives essentielles au processus créatif, qui est l’habileté à établir des liens entre des éléments éloignés. On retrouve encore l’importance de développer une flexibilité mentale sur les sujets que l’on traite plutôt que de s’enliser dans un unique mode de pensée. Selon la chercheuse anglaise Anna Craft, multiplier les connexions entre des concepts différents permet d’exalter la créativité, que ce soit entre plusieurs disciplines ou au sein d’une seule (A. Craft, 2005). D’où la nécessité d’apporter aux élèves un enseignement pluridisciplinaire, laissant la possibilité de créer des “ponts” entre les matières. L’idée est encore une fois de leur laisser explorer une grande variété de champs disciplinaires, et les encourager à emprunter différentes voies académiques, stages et apprentissages.

Enfin, il existe un champ de recherche assez vaste qui étudie la conception de créativité et la place qui lui est réservée dans différentes cultures. Dans nos sociétés occidentales par exemple, nous avons tendance à associer de manière quasi-systématique la créativité à l’art. Le fait d’associer la créativité à une notion esthétique ou même à un utilitarisme est en réalité assez répandue, mais cette association se manifeste et paraît valorisée différemment selon les cultures. L’aspect culturel est directement lié à la créativité, puisqu’il affecte l’appréciation du caractère de nouveauté d’une réalisation, et donc le jugement de ce qui est créatif et de ce qui ne l’est pas.

D’autres études s’intéressent aux effets de l’environnement culturel sur la créativité, qui s’avèrent déterminants comme le sont les autres composantes environnementales. Ainsi, de nombreuses études reconnaissent les avantages du multiculturalisme et du bilinguisme en termes de créativité. Dans le cadre d’une collaboration en groupe, plusieurs travaux démontrent les effets bénéfiques sur la créativité d’une exposition à des sources culturelles différentes (C. Tadmor & al, 2012). Elles soulignent la richesse d’une telle exposition en termes de croisement d’idées et d’expériences, ce qui favorise la flexibilité mentale ainsi que la combinaison sélective, et donc la créativité. “L’interpénétration” des disciplines et des cultures est par conséquent un moyen d’amener de nouvelles réflexions et perspectives aux étudiants et chercheurs. (M. Dogan et R. Pahre, 1992).

Se confronter à d’autres cultures et formes d’organisation, c’est aussi l’occasion de s’apercevoir du caractère arbitraire de la hiérarchie et des frontières placées entre les disciplines. En d’autres termes, la comparaison avec autrui permet une introspection et le développement d’une pensée critique envers nos propres habitudes. Cette remise en question par les enseignants et élèves de leurs pratiques, en termes d’éducation comme en termes de style de vie, est extrêmement bénéfique et pas seulement pour la créativité : On se rend compte que d’autres possibles existent, tout en mettant l’accent sur leurs spécificités. Toujours avec une volonté d’ouverture d’esprit et de collaboration, Il faut par conséquent encourager la création des ponts entres les apprenants de cultures et d’environnements sociaux différents, notamment à travers des programmes qui favorisent les échanges transfrontaliers et une certaine mobilité sociale.

 

Conclusion

 

Nous disposons tous d’un potentiel créatif, et son développement est l’affaire de tous. À travers l’étude du processus créatif et des nombreux champs qui s’y intéressent, nous avons fait apparaître la responsabilité de l’école dans l’inhibition de la créativité. Celle-là même qui devrait constituer un environnement créatif pour les élèves et les enseignants ; et qu’est-ce que le métier de professeur si ce n’est un métier créatif ? Comment ne pas penser alors à cette image empruntée aux humanistes : “Éduquer, ce n’est pas remplir des vases mais c’est allumer des feux » ? En l’occurrence, il s’agit d’entretenir, de faire grandir une flamme que tous les enfants du monde ont en eux, et trop souvent sans le savoir. Cette flamme là, c’est la curiosité ou l’envie d’apprendre et c’est la créativité ou l’envie de créer. À nous alors de mettre en place une école créative et ouverte qui forme des constructeurs de savoirs créatifs et collaboratifs. Ceux-ci feront de la créativité leur mode de vie, une attitude essentielle pour faire face aux enjeux de demain et à ceux que nous rencontrons déjà. Alors que la crise récente du Covid-19 suscite autant d’espoirs que d’inquiétudes quant au « monde d’après », l’humanité, comme souvent par le passé et inéluctablement dans le futur, fait face à l’inédit. Saura-t-elle être créative ?

 

Pour aller plus loin

 

Si vous travaillez dans l’éducation ou si c’est un sujet qui vous intéresse, je ne peux que vous conseiller de lire ces rapports du collectif Synlab sur la créativité (et leurs autres travaux) :

 

La créativité chez l’enfant : fondements et leviers

https://syn-lab.fr/wp-content/uploads/2017/09/synlab_2015_creativite.pdf

 

Construire un climat de classe positif, bienveillant et créatif

https://syn-lab.fr/wp-content/uploads/2017/09/synlab_2015_climat_de_classe.pdf

 

Coopérer au sein d’un groupe

https://syn-lab.fr/wp-content/uploads/2017/09/synlab_2015_cooperation.pdf

 

Créativité et Pensée design – Synlab

https://www.youtube.com/watch?v=99VWQ6W51PU&t=97s

 

Les conférences passionnantes de Sir Ken Robinson : 

 

Changer l’Éducation (illustrée et en vostfr)

https://www.youtube.com/watch?v=fhwt_7L2D-w

 

Comment échapper à la vallée de la mort de l’éducation ? (en Anglais)

https://www.youtube.com/watch?v=wX78iKhInsc

 

Comment l’école tue la créativité ? (en Anglais)

https://www.youtube.com/watch?v=iG9CE55wbtY&t=3s

 

Si vous voulez en apprendre plus sur les mécanismes neuropsychologiques et neurophysiologiques qui sous-tendent la créativité.

 

  1. Borst et al., Structures et mécanismes cérébraux sous-tendant la créativité : une revue de la littérature, in Approche Neuropsy. des apprentissages de l’enfant, vol. 18, pp. 96-113, 2006.

 

Quelques ouvrages et travaux élaborés par Todd Lubart, Maud Besançon et d’autres :

 

Psychologie de la créativité (2nde édition), Lubart, Mouchiroud, Tordjman et Zenasni, 2015. Armand Colin.

 

La créativité de l’enfant : Évaluation et développement. Besançon et Lubart. 2015. Mardaga. 2015.

 

Entretien avec Todd Lubart (2009).

https://gerflint.fr/Base/Europe4/propos.pdf

 

Article de Maud Besançon : “Les clés de la créativité” sur cerveauetpsycho.fr (2011) https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/psychologie/les-cles-de-la-creativite-6426.php

 

Autres :

 

Les paradigmes scientifiques selon Thomas Kuhn https://philosciences.com/philosophie-et-societe/113-paradigme-scientifique-thomas-kuhn

Feyfant A. Vers une éducation plus innovante et créative. Édupass. https://edupass.hypotheses.org/1096

 

Sources 

(dans l’ordre d’apparition)

 

O’Boyle, M. W., Cunnington, R., Silk, T. J., Vaughan, D., Jackson, G., Syngeniotis, A., & Egan, G. F. (2005). Mathematically gifted male adolescents activate a unique brain network during mental rotation. Cognitive Brain Research, 25(2), 583–587..

Kischka U, Kammer TH, Maier S, Weisbrod M, Thimm M, Spitzer M. Dopaminergic modulation of semantic network activation. Neuropsychologia. 1 nov 1996;34(11):1107‑13.

Gruber, H. E., & Wallace, D. B. (1999). The case study method and evolving systems approach for understanding unique creative people at work. In R. J. Sternberg (Ed.), Handbook of creativity (p. 93–115). Cambridge University Press.

Lubart, Todd & mouchiroud, Christophe & Tordjman, Sylvie & Zenasni, Franck. (2003). Psychologie de la créativité. Armand Colin.

Guilford, J. P. (1950). Creativity, American Psychologist, 5, 444-54.

Guilford, J. P. (1967). The nature of human intelligence. New York, Mc Graw Hill.

Lubart, T. I., Mouchiroud, C., Tordjman, S., & Zenasni, F. (2015). Psychologie de la créativité (2nde édition). Armand Colin.

Lubart, T. I. (1999). Componential models. Encyclopedia of creativity, 1, 295–300.

Rosenthal, R., & Jacobson, L. (1968). Pygmalion in the classroom. The Urban Review, 3(1), 16–20.

Rosenzweig MR, Bennett EL. Psychobiology of plasticity: effects of training and experience on brain and behavior. Behav Brain Res. 1996;78(1):57‐65.

Lubart, T. I., & Guignard, J.-H. (2004). The Generality-Specificity of Creativity: A Multivariate Approach. Creativity:

Dunbar K. How scientists really reason: Scientific reasoning in real-world laboratories. 1 janv 1995; Dunbar K.

Radchuk V, Reed T, Teplitsky C, van de Pol M, Charmantier A, Hassall C, et al. Adaptive responses of animals to climate change are most likely insufficient. Nature Communications. 23 juill 2019;10(1):3109.

De Brabandère, L. (2007). La valeur des idées: de la créativité à la stratégie en entreprise. Dunod.

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Le contrôle des rêves

On a tou.te.s déjà fait des rêves heureux ou bien des cauchemars. Mais d’autres types de rêves récurrents existent, avec leurs significations ou interprétations. Vous en avez probablement déjà expérimenté certains.

  • Le rêve récurrent qui revient plusieurs fois, en nous présentant les mêmes éléments d’une fois à l’autre. Ce type de rêve peut indiquer une situation qui nous tourmente ou un problème que l’on arrive pas à résoudre.
  • Le rêve prémonitoire qui montre au rêveur ou à la rêveuse ce qui va arriver avant que les événements n’aient lieu.
  • Le rêve créatif qui permet de trouver une idée ou une réponse. Choyé par les artistes pour l’inspiration qu’il peut leur donner.

Cette liste non-exhaustive désigne des types de rêves qu’il est possible de faire, mais il en existe bien d’autres !

 

Un type de rêve nous intéresse particulièrement, il s’agit du rêve lucide, durant lequel la personne endormie a conscience qu’elle rêve. Ce type de rêves très particuliers permet de prendre le contrôle de son rêve et d’en modifier les éléments. Si la plupart des rêves nous permettent d’en apprendre davantage sur nous-mêmes, ce type de rêves permet de transformer ses songes en un gigantesque espace de création limité exclusivement par la volonté et l’imagination. Au cours d’un rêve lucide, la personne qui rêve prend conscience qu’elle n’est pas éveillée et peut alors tout transformer. Si elle est perdue dans une forêt et ne parvient pas à en sortir, elle peut visualiser l’apparition d’un chemin qui la mènera à coup sûr à la sortie. Elle peut aussi décider qu’il n’y a pas de gravité et s’envoler, simplement sous l’effet de sa volonté. Elle peut également décider que la forêt va se transformer en une gigantesque plaine où il n’y aura que de l’herbe et plus aucun arbre. Elle peut enfin imaginer qu’un dragon apparaît et qu’elle pourra s’enfuir en grimpant sur son dos.

 

Passer du rêve au rêve lucide permet de sortir d’une situation difficile dans laquelle nous avait mis le rêve. Mais cela permet aussi de s’amuser en créant la situation que l’on veut. Un autre intérêt du rêve lucide est qu’il peut permettre de régler un problème que l’on a dans la vraie vie en l’affrontant dans le cadre contrôlé de notre rêve. Ainsi, une situation que l’on ne parvenait pas à résoudre sera réglée au cours d’un rêve, nous permettant de l’affronter avec plus de confiance dans la vraie vie. Par exemple, si on a des problèmes avec quelqu’un de notre entourage, on peut visualiser dans un rêve lucide une situation au cours de laquelle on se réconcilie avec la personne et de laquelle on repart après avoir fait la paix avec la personne, ce qui permettra d’être plus serein.e la prochaine fois qu’on la croise.

 

Le terme de rêve lucide a été introduit par l’écrivain Léon d’Hervey de Saint-Denys en 1867. Le rêve lucide commence à être étudié en laboratoire du sommeil depuis la fin des années 1970 en occident. Dans les années 1980, le scientifique Stephen Laberge communique à l’extérieur en faisant du morse avec ses points alors qu’il est en train de rêver. Cependant, la faculté de reconnaître l’état de rêve était déjà mentionnée dans des textes bouddhistes datant du VIIIème siècle après Jésus-Christ.

 

On peut donc se demander comment on accède au rêve lucide. La règle d’or est de disposer de suffisamment de temps de sommeil pour avoir un maximum de sommeil paradoxal, durant lequel les rêves lucides peuvent être vécus. Mais plusieurs astuces permettent d’augmenter ses chances d’en faire et de prendre le contrôle de ses rêves. La première chose à faire est de se familiariser avec le monde de ses rêves, en y prêtant une grande attention. Cela se traduira par le fait de noter tout ce qui se passe au cours de ses rêves, ou du moins tout ce dont on peut se souvenir. Comme pour l’interprétation de ses rêves, il convient de noter sur un cahier dès son réveil tous les éléments dont on se rappelle, sans rien modifier ni juger. Cela permettra au rêveur ou à la rêveuse d’identifier des éléments récurrents (par exemple des objets déformés, des paysages fantastiques, des personnes absentes depuis longtemps) dans ses songes et ainsi de les reconnaître lorsqu’il.elle les voit pendant la nuit.

 

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Une deuxième astuce consiste à confronter régulièrement le rêve et la réalité. On va effectuer des “tests” plusieurs fois dans la journée pour s’assurer qu’on est pas en train de rêver. L’un de ces tests consiste à dessiner dans sa main un point ou un symbole. Plusieurs fois dans la journée, il faut regarder le symbole dessiné et se demander si l’on est en train de rêver ou pas. Cela doit devenir une habitude. Ensuite, la question finira par survenir au cours des rêves eux-mêmes et le rêveur ou la rêveuse pourra alors prendre conscience de son état. Un autre exemple de test est de vérifier si son doigt peut passer au travers de sa main sous l’effet de sa volonté. Il est aussi possible de regarder sa montre. Le temps s’écoule-t-il d’une manière anormale ? Les chiffres sont-ils brouillés ? Tous ces signes doivent indiquer à celui ou celle qui pratique les tests qu’il.elle est en train de rêver. Il.elle pourra ensuite prendre le contrôle de son rêve et le modifier à sa guise. Mais il convient pour cela de pratiquer plusieurs fois ces tests de réalité dans la journée pour pouvoir espérer penser à les faire la nuit.

 

Un autre moyen d’accéder au rêve lucide consiste à y prêter attention le plus souvent possible, en lisant régulièrement des articles sur les rêves, en suivant des pages qui en parlent sur les réseaux sociaux, en regardant des films en rapport avec les rêves. Enfin, des masques à rêves existent sur le marché. Ils permettent de détecter les phases de mouvements oculaires rapides durant le sommeil. Ensuite, ils envoient un signal au rêveur sous forme d’éclairage tonalité LED. Le rêveur peut alors prendre conscience qu’il rêve et modifier des éléments de ses songes.

 

Les rêves lucides sont un type de rêves particuliers au cours desquels la personne qui rêve se rend compte de son état. Il peut alors contrôler son songe à sa guise et le transformer complètement ou simplement en modifier certains éléments. Pour faire ce type de rêves, il convient de se familiariser avec le monde de ses rêves et d’effectuer régulièrement des “tests de réalité” quand on est éveillé pour avoir la présence d’esprit de les faire quand on dort.

 

Voici le lien pour l’article suivant : https://www.wax-science.fr/le-mecanisme-des-reves/

Guide pour commencer à interpréter ses rêves

Les rêves avaient leur importance jusqu’à la fin du Moyen-Âge, époque où le corps et l’âme étaient intimement lié.e.s. Avec l’élaboration de la pensée rationaliste de Descartes et Newton, les rêves ont peu à peu perdu de leur intérêt. C’est Freud qui, à la fin du XIXe siècle, a redonné de l’attention aux rêves dans le cadre de ses travaux de psychanalyse : le rêve comme objet du pouvoir de l’inconscient sur la réalité intérieure de ses patient.e.s.

Diverses théories existent sur l’interprétation des rêves, certaines sont scientifiques, d’autres religieuses, certaines ésotériques ou bien personnelles. Le rêve reste néanmoins une manifestation de notre inconscient, qui nous est propre. Auquel cas une interprétation généraliste n’est pas forcément intéressante.

Le plus souvent, le rêve renvoie à quelque chose que l’on ressent à l’intérieur de nous-mêmes. Parfois, ces ressentis ont un rapport avec des situations récentes, parfois non. Pendant nos rêves, notre inconscient cherche à régler des conflits intérieurs, il peut faire resurgir des conflits du passé si on a pas réussi à passer le cap et à les dépasser. C’est pendant le rêve que l’esprit s’exprime sans aucune censure, c’est un dialogue avec soi-même, un moyen de se connaître mieux. Les rêves peuvent être douloureux comme libérateurs, confus comme clairs. Les situations qu’on y rencontre peuvent être explicites et simples à comprendre mais parfois (assez souvent) elles sont difficiles à interpréter car le cerveau transforme des éléments, en y mêlant une symbolique qu’il est très difficile de comprendre. Un simple élément présent dans un rêve peut être particulièrement lourd de sens et il peut être très dur de le déchiffrer.

Quelques clés facilitent l’interprétation personnelle de ses rêves. Juste après s’être réveillé.e, il faut noter avec le plus de détails possibles tout ce qui s’est passé durant son ou ses rêve(s), décrire le décor, les autres personnes présentes, la manière dont on les voyait… Tous ces éléments vont servir de base à interprétation et moins s’écoule de temps entre la fin de son rêve et le moment où on le décrit, plus la base sera riche car la plupart des rêves s’effacent avec le temps. Par ailleurs, ces éléments ne doivent pas être altérés par notre jugement. Peu importe ce qu’ils nous évoquent, ils doivent être retranscrits comme ils se sont déroulés, sans chercher à les modifier ou à les améliorer.

Ensuite, il convient de prendre chaque élément du rêve et d’essayer de faire le lien avec soi-même et sa vie. On cherche alors à répondre à la question : Qu’est-ce que cela m’évoque ?

 

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Pour comprendre la signification des éléments qu’on voit dans ses rêves, il convient de chercher par rapport à soi, ce à quoi cela fait référence, dans notre vie ou notre tête. Néanmoins, certaines images peuvent avoir un ou des sens commun(s) pour plusieurs personnes et les connaître peut donner des pistes pour se lancer dans l’interprétation de ses rêves. Par exemple, le fait de courir dans un rêve peut renvoyer au fait d’aller de l’avant, de foncer droit vers le succès, mais il peut également renvoyer à l’idée de fuite devant ses responsabilités. Selon la personne, lesdites responsabilités pourront être de types amoureuses, professionnelles, pécuniaires… Il faut chercher dans sa vie ce qui nous fait le plus peur (ou qui nous motive le plus). Et si dans le rêve on cherche à courir mais sans y parvenir, cela peut renvoyer à notre incapacité d’avancer dans la vie ou de nous défaire d’une situation qui ne nous convient pas. Notre inconscient nous envoie alors le message qu’il faut d’abord régler notre problème avant de retrouver notre sérénité.

Dans nos rêves, certains éléments représentent quelque chose de précis, et en fonction de la manière dont l’élément se présente, on peut en savoir plus sur son état d’esprit. Souvent, dans les rêves, l’eau représente les émotions. De ce fait, rêver de mer renseigne sur son état d’esprit. Si on rêve d’une mer calme, cela indique un état de sérénité et une confiance en l’avenir. À l’inverse, si la mer est déchaînée, cela nous montre qu’on est tourmenté, qu’on est face à un conflit intérieur que l’on a pas encore pu résoudre, cela peut indiquer un état de détresse.

Ainsi, pour bien interpréter ses rêves, il convient de ne pas seulement se fier aux éléments présents, mais aussi à la manière dont ces éléments sont représentés. La forme et l’état dans lequel est représenté un élément a beaucoup d’importance pour son interprétation. Ainsi, une mer agitée signifie l’inverse d’une mer calme. Ici, ce n’est pas seulement la présence de l’eau qui est importante, mais aussi sa forme (la mer) et son état (calme ou agitée). Ces deux paramètres changent complètement le sens de cet élément. Pour prendre un autre exemple, on peut imaginer une rencontre avec son père : la rencontre n’aura pas le même sens si le père est en parfaite santé ou s’il est mal en point, affaibli. Idem pour le point de vue avec lequel on regarde la scène : la scène n’aura pas le même sens selon que l’on voit son père d’au-dessus, d’en-dessous ou du même niveau. Si l’on voit son père d’au-dessus, cela peut signifier un sentiment de puissance par rapport à lui, une impression de supériorité alors que si on est en-dessous, cela peut montrer au contraire de la crainte, une appréhension quant à sa rencontre.

Interpréter ses rêves est un exercice difficile car il faut faire attention aux éléments en présence, leur forme, leur état et aussi le sentiment que l’on a en les voyant ou en interagissant avec eux.

 

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Interpréter ses rêves est un exercice difficile mais néanmoins très utile. En effet, les rêves sont un dialogue avec soi-même et peuvent nous aider à démêler certains conflits que nous n’arrivons pas à dépasser. Les interpréter est un moyen de mieux se connaître, de faire la paix avec soi-même et de comprendre ce que l’on désire vraiment. Pour ce faire, il faut noter un maximum d’éléments, si possible au réveil pour ensuite essayer de les rattacher à nous-mêmes ou à des éléments de nos vies. Et même si certains éléments paraissent sans importance ou étranges, ils peuvent au final se révéler lourds de sens.

 

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Le mécanisme des rêves

On rêve pendant le sommeil, un état récurrent de perte de conscience dans lequel l’esprit est plongé tous les jours et où le corps et l’esprit récupèrent de la fatigue accumulée pendant la période d’éveil. Des cycles de sommeil d’environ deux heures se succèdent toute la nuit.

Ces cycles sont divisés en quatre phases : la phase de sommeil léger, la phase de sommeil profond, la phase de sommeil paradoxal et enfin la phase dite d’éveil durant laquelle le corps passe de l’état endormi à l’état éveillé.

En 1953, deux étudiants en neurophysiologie : Eugen Aserinsky et William C.Dement découvrent que les rêves interviennent pendant la période de “mouvements oculaires rapides” (rapid eye movement en anglais) qui se passe pendant la phase de sommeil paradoxal.

 

La phase de sommeil paradoxal est qualifiée de telle car le cerveau et le corps fonctionnent de manière opposée : la fréquence des ondes cérébrales ainsi que la dépense énergétique de l’organisme en glucose et en oxygène est la même que celle de l’éveil alors que le tonus musculaire est complètement à plat. C’est comme si l’activité du corps et celle du cerveau étaient complètement dissociées.

Cette phase dure entre 15 et 20 minutes en moyenne. On parle de moyenne car ce chiffre varie en fonction de l’individu.e et aussi de son cycle de sommeil.

 

Plus on avance dans les cycles de sommeil de la nuit et plus le sommeil profond cède la place au sommeil paradoxal. Durant les premières heures de la nuit, le sommeil est le plus réparateur car c’est à ce moment-là que l’individu.e passe le plus de temps en sommeil profond. Le sommeil paradoxal ne dure alors que quelques minutes par cycle. Sur le temps de sommeil du dernier cycle, le sommeil paradoxal peut atteindre 30 minutes.

 

Durant les rêves, le conscient cède la place à l’inconscient qui peut alors s’exprimer sous la forme de rêves particulièrement travaillés et précis, bien qu’ils soient en apparence sans queue ni tête. C’est à travers les rêves que les angoisses et les envies d’un individu ressortent, tout comme les souvenirs. Les rêves sont très importants pour l’équilibre émotionnel ; ils font ressortir des désirs ou des peurs qu’on ne peut exprimer à l’état éveillé. Ils sont donc nécessaires au bon équilibre de chacun.e.

 

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Bien que près de 15% de la population pense ne pas rêver, en réalité nous rêvons tou.te.s. Plus le rêve est proche du réveil et plus le souvenir est présent. Cependant, la phase d’éveil qui fait office de fin de cycle et qui survient après le sommeil paradoxal durant lequel nous rêvons, fait aussi effet gomme. Donc plus elle est longue, moins nous avons de chance de nous rappeler de nos rêves, et encore moins si nous repartons sur un autre cycle de sommeil.

Les effets de la modernité sont aussi une des raisons pour lesquelles nous ne nous souvenons pas toujours de nos rêves. Notre état de conscience est engourdi par les stimulations externes et nous ne sommes plus assez à l’écoute de nous-mêmes.

 

Pendant le sommeil paradoxal, le cerveau crée des images par le biais de l’imagination. Habituellement, le cerveau élabore une certaine représentation du monde en fonction des informations qu’il reçoit, notamment grâce à nos cinq sens,  mais l’imagination permet de contourner ce principe. L’individu.e va alors créer des images qui ne sont pas forcément liées aux éléments extérieurs, sous l’effet de sa volonté. Mais dans le cas du rêve, l’image se créée sans même l’effort de sa volonté.

 

Des expériences scientifiques ont été menées sur des chats. Des lésions ont été pratiquées sur une partie de leur cerveau appelée tronc cérébral, une partie du système nerveux central qui fait le lien entre le cerveau et la moelle épinière. Plus précisément, ces lésions ont été pratiquées sur une partie du tronc cérébral appelé “pont”. Les chats mutilés n’avaient plus du tout de sommeil paradoxal.

On en déduit donc que c’est cette zone du cerveau qui est responsable du sommeil paradoxal et des rêves.

 

Certaines zones du cerveau sont très actives durant les rêves. Il s’agit notamment des régions sensorielles dont fait partie le cortex visuel associatif qui a pour rôle de créer des images. C’est un travail d’imagination, mais sans aucun effort de la volonté de l’individu.e. L’amygdale est aussi active pendant les rêves : cette région du cerveau gère les émotions, ce qui implique que les rêves peuvent être chargés d’émotions. Enfin, l’hippocampe, la partie du cerveau chargée de la mémoire, est en action et ainsi, les souvenirs apparaissent fréquemment dans les rêves d’un.e individu.e.

 

Pendant le rêve, différentes zones du cerveau sont “éteintes”. Par exemple, le cortex visuel primaire cesse son activité et les informations provenant de la rétine ne sont plus traitées. Autrement dit, le cerveau n’analyse plus ce que l’oeil voit. Le cortex préfrontal est lui aussi sur “pause”. Comme il est responsable du raisonnement et de la logique, ces deux fonctions ne sont que très peu présentes dans les rêves.  

 

Les rêves surviennent lors du sommeil paradoxal, une phase durant laquelle le corps est complètement immobile, sauf pour les yeux qui bougent alors très vite derrière les paupières. Cette phase de la nuit est très importante pour l’équilibre émotionnel d’un individu, ce qui explique que tout le monde rêve bien que certain.ne.s ne s’en souviennent pas. Pendant les rêves, les zones du cerveau actives sont celles qui contrôlent les émotions, la mémoire et celles capables de créer des images, mais pas la zone du cerveau qui contrôle la logique, ce qui implique que les rêves sont un mélange d’émotions, de souvenirs mais qu’ils ne sont pas forcément organisés d’une manière “logique”.

 

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Johanna Calderon, à coeur ouvert

Faire des ponts

Johanna Calderon s’intéresse au développement des enfants. Mais pas n’importe lesquels; elle étudie le devenir des enfants opérés à coeur ouvert très tôt dans la vie. Ces opérations ne sont réalisables que depuis quelques années, « donc nous avons peu de référence sur les conséquences de ces opérations car les enfants opérés sont à peine adolescents voire jeunes adultes », explique Johanna, en direct de Boston. En parallèle, elle étudie le développement des bébés nés prématurément. De la petite enfance à l’adolescence, elle se penche sur leur capacités cognitives, leur comportement, bref tout ce qui a attrait à la plasticité cérébrale  et tente de faire le lien entre opération/naissance prématurée, et développement du cerveau.

Pour ces études, la Fondation L’Oréal lui donne « un énorme coup de pouce », qui lui permet de construire un pont entre l’Inserm U1153, l’Hopital Necker à Paris, où Johanna a fait sa thèse, le Boston Children’s Hospital et la Harvard Medical School à Boston. Le but? Monter un partenariat international entre les trois entités, pour mieux comprendre les facteurs de risque liés aux opérations. En effet, pendant sa thèse, Johanna a montré que les opérations à coeur ouvert tôt pouvait induire des problèmes d’hyper activité et d’apprentissage ; mais ces problèmes ne sont-ils liés qu’à la malformation de naissance, ou l’opération aggrave-t-elle les choses? Johanna s’est donné 2 ans pour tenter d’en savoir plus. Mais comment on en arrive là?

L’envie d’aller plus loin

Le parcours n’a pas été linéaire! Née colombienne, elle s’intéresse tôt à la biologie et au développement de l’enfant, et passe son Bac S très jeune. « Ça n’est pas forcément un avantage », car en effet difficile de trouver une orientation à 16 ans. Alors Johanna fait une année de faculté de droit « il fallait bien tenter… » mais se rend vite compte de l’attrait pour l’étude des enfants était trop fort. Avec le souhait de mieux comprendre les enfants, sans pour autant faire médecine, Johanna se lance dans un parcours de psychologie en France. En master (4ème année post bac) elle choisit le parcours orienté vers la recherche, où elle suivra une solide formation en statistiques, méthodes et outils pour conduire un projet de recherche. Sa spécialisation? « Neuropsychologie pédiatrique », c’est à dire comprendre les relations entre le développement du cerveau, apprentissages et comportement, chez les enfants.

Lors de son stage clinique à l’Hopital Necker où elle s’occupe d’enfants opérés très tôt, elle ressent l’envie « d’aller plus loin » que de décrire, ou constater. Elle veut comprendre et identifier les problèmes. Elle décide de poursuivre en thèse, et vous connaissez déjà la suite.

CALDERON_Johanna

Filles et garçons inégaux devant la maladie

On vous a déjà offert une petite vidéo sur les biais de genre dans la recherche, et du coup on a posé la question à Johanna: « Et les conséquences sont les mêmes pour les bébés filles ou garçons? » En réalité, 66% des enfants nés avec des malformations cardiaques graves sont des garçons, donc il existe déjà un déséquilibre au niveau des enfants qu’elle étudie. Elle remarque aussi que les conséquences neurologiques des opérations « sembleraient » plus importantes pour les garçons que pour les filles. Voilà un nouveau cas concrêt dans lequel il est tellement important de faire la différence entre les deux, pour pouvoir mieux comprendre!

Mais l’inégalité de genre n’est pas la seule dont souffre les bébés; pouvoir opérer si tôt demande des moyens, beaucoup de moyens « il est évident que ce déséquilibre social, et démographique réserve l’opération aux pays développés »; mais il existe différentes associations comme celle de Mécénat Chirurgie Cardiaque qui collecte des fonds pour permettre à des enfants de pays en développement de venir se faire opérer là où les ressources sont présentes. Johanna est pleine d’espoir, et elle fait aussi partie des nôtres.

L’heure des questions WAX

Tes trois mots pour la science: Persévérance – Passion – Ténacité

Ton métier si tu n’avais pas été scientifique: Violoniste; j’adore le violon mais c’est tellement difficile!

Le site sur lequel tu passes trop de temps: .. Facebook, et Twitter  @johannamcp1 (Johanna Calderon)

Le pire stéréotype que tu aies vécu: En France les gens pensent encore que le neuropsychologie pédiatrique, c’est pas de la science. Mais on a des méthodes, des outils d’imagerie de pointe, des contrôles, bref c’est une vraie discipline scientifique. Encore un stéréotype à briser!

Un grand merci à Johanna qui s’est levée un Samedi pour l’interview en direct de Boston !